Pourquoi faut-il nationaliser les banques et créer un grand service public financier ?

20/10/2008
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Toujours dans ma volonté de tenter d'être le plus simple possible pour que soit terminé le règne des “experts”, du moins quand il s'agit simplement de choix politiques fondamentaux (après on fera appel à eux mais en s'étant entendus sur les objectifs politiques, l'intendance suivra), voici les raisons qui me poussent à revendiquer D'ABORD la nationalisation. Celle-ci n'est peut-être pas suffisante mais elle est nécessaire et voci pourquoi.

 

1-La bulle du dollar n'a pas encore éclaté

 

La première question que se pose celui qui contemple éberlué cette valse des milliards est qui va payer ? Ou encore où les prennent-ils puisqu'on nous dit que l'Etat est en faillite, qu'il n'y a plus d'argent pour l'école, la santé et tant d'autres biens de première nécessité. Nonobstant le fait que quand ils veulent de l'argent “ils” en trouvent, comment vont-ils s'y prendre et donc qui va finir par payer?

 

On nous a dit et répété que les contribuables ne seraient pas mis à contribution, alors comment vont-ils faire  ?

 

Avez-vous remarqué que la décision européenne est intervenue tout de suite après un sommet du G7. En fait à ce sommet la FED américaine a promis aux sept pays les plus industrialisés l'accès sans limite à la planche à billet étasunienne. Le 13 octobre, la FED a promis à la BCE, à la banque d'Angleterre et à la banque nationale suisse, l'accès à des prêts illimités à un taux fixe et les banques nationales emprunteraient à la BCE.

 

Remarquez que nous sommes de plus en plus dans le dollar devenu billet de Monopoly. Avec le Plan Paulson, le plafond de la dette publique US s'élève à 11.300 milliards de dollars, 8000 milliards de plus qu'en 2007, soit 70% du PIB étasunien. Avec des chiffres pareils, un Etat d'Amérique centrale serait coulé sans état d'âme.

 

Si l'on mesure que l'activation inconsidérée de la planche à billet nord-américaine est pour une bonne part à l'origine de la crise, puisque vous aurez compris que depuis Nixon les dollars émis ne sont fondés que sur la « confiance » ou plutôt sur la capacité des Etats-Unis à dominer le monde et d'abord militairement (1)

 

Donc c'est simple à comprendre, les Etats-Unis ont promis aux pays du G7 et donc à ceux de la zone euro, l'accès à leur planche à billet, un accès illimité. Ce qui ne peut qu'accroître mais nous y reviendrons l'excès de dollar à l'origine de la crise. Et le vrai problème est jusqu'à quand on peut gonfler cette masse de dollars pour répondre à la crise des échanges interbancaires ?

 

Quand une telle situation pèse sur toutes les économies, il faut pouvoir maîtriser sa monnaie et le contrôle des changes, et dans ce domaine, l'euro pose plus de problème qu'il n'en résoud, quant à la BCE, l'expérience a prouvé son ‘utilité”réelle.

 

Nous sommes devant une situation où les échanges continuent à 70% à se faire sur toute la planète en dollars alors même que celui-ci perd toute crédibilité. Les capitalistes et les dirigeants des pays impérialistes doivent impérativement avoir des institutions qui leur permettent de poursuivre sur la lancée, il faut qu'ils guident à leur profit leur fameux nouveau bretton wood. De la même manière, la zone euro, la BCE ne sont que les institutions correspondant à l'appetit sans limite du marché financier. Ce qu'”ils” proposent c'est de leur donner encore plus de pouvoir, de charger ce beau monde de la régulation-moralisation.

 

2-Il s'agit de continuer à faire pression sur les mêmes

 

Le capitalisme c'est l'accumulation des marchandises et du capital, basé sur l'exploitation, la dictature de la minorité sur la majorité, le stade récent a porté à son plus haut niveau cette constante grâce à la marchandisation des “produits financiers”, avec surproduction et surraccumulation. Si l'on admet que, en plus de l'inflation du dollar,  l'autre cause essentielle de la crise est le fait qu'il y a eu pression continue sur les salaires, comme d'ailleurs sur les pays du Tiers monde, et que l'on a donc développé une consommation uniquement sur l'endettement des ménages et des pays, si l'on poursuit dans cette logique rien ne s'arrangera, les facteurs de la crise ne peuvent que s'aggraver.

 

 Et comme activer la planche à billet, gonfler la masse de dollar en circulation pèse sur les prix, sur la consommation des ménages autant que sur ce que l'on peut espérer en matière de protection sociale, nous continuons dans la même voie.

 

Le plus clair de la situation actuelle est que la masse monétaire folle qui est jetée ne peut que faire hausser les prix et donc continuer à conduire vers la récession(2). Il y a eu une autonomie presque totale du marché financier  et une très faible réglementation. La finance s'est servie ainsi de cette liberté pour pousser la recherche de la rentabilité jusqu'aux extrêmes, tout y a été subordonné.On dit que le risque est la morale du profit, donc plus il y a de profit, plus il y a de risques, mais ils ont créé des procédures (des paquets de titres)qui devait les préserver des risques. Aujourd'hui ce qu'ils disent c'est il faut “réguler”pour éviter le risque, on voit la même erreur se reproduire, on en est toujours aux procédures alors que c'est la logique du système qui doit être changée.

 

Parce que le fond du problème est que cette crise révèle le caractère insupportable du système d'accumulation tel qu'il s'est développé et qu'ils cherchent à maintenir. D'abord des hyperprofits financiers qui ne cessent de freiner la croissance de l'économie réelle, entretiennent le chômage, et la précarité,  la pression sur les salaires,comme sur les économies des pays du tiers monde, tout ce que l'on a prétendu compenser par l'endettement. Le tout sur le fond d'une économie monde dont la monnaie de réserve est-elle même basée sur un crédit sans garantie.

 

Donc la logique du « sauvetage » est celle de l'enfoncement dans la crise, les propositions de « nationalisations » peuvent être un piège.

 

3-Ils parlent de “régulation” tout en conservant “la concurrence” comme moteur…

 

La troisième grande cause de la crise, c'est la manière dont s'est développé un véritable cancer financier avec des profits sans aucune mesure avec ceux que l'on peut attendre d'une économie réelle. On découvre la manière dont la  déréglementation a produit l'irresponsabilité la plus totale, et si l'on reste au niveau de ces spécialistes des usines à gaz du profit il est peu probable que l'on s'en sorte.

 

Le marché ne reflète que l'intérêt immédiat de ceux qui négocient à partir de leurs intérêts privés, mais le coût social monstrueux n'est jamais pris en compte… Et tant que l'on conserve les intérêts privés et leur mise en concurrence comme moteur il n'y a pas de “régulation” au profit de la majorité qui soit possible.

 

La seule solution ne réside pas dans des « techniques » financières mais bien dans le sauvetage de l'économie réelle et la mise au service de cette économie des techniques financières, des institutions. Il faut un véritable renversement de perspective, l'économie doit être mise au service des populations. Parce que l'opposition “qu'ils” inventent entre finance et “économie réelle”‘, spéculateurs financiers et entrepreneur créateur de richesse n'existe pas, tout est fait pour que les multinationales financiarisées entraînent dans leur sillage la pression sur l'emploi, les délocalisations, la surexploitation, la mise en concurrence des travailleurs. Donc l”‘économie réelle” est celle qui est orientée vers le développement “endogène” des populations, c'est-à-dire que chaque pays doit avoir comme orientation centrale la réponse aux besoins des populations, certains de ces besoins sont des marchandises, mais beaucoup relèvent du service public (santé, éducation, logement social par exemple). La financiarisation est allée au contraire non seulement vers une économie parasitaire, mais sur le tout à l'exportation et à la concurrence entre pays, comme entre travailleurs.

 

Pour renverser la vapeur, il faut donc maîtriser les ressources nationales, leur distribution et concevoir les relations internationales comme des coopérations.

 

Cela ne peut avoir lieu si les institutions financières ne sont pas un service public.

 

4-Il y a plusieurs types de nationalisations

 

Il y a au moins deux types de nationalisations : celle que l'on a vu à l'œuvre sous Mitterrand qui a consisté à racheter très cher les entreprises, à les assainir avec l'argent du contribuable et après les revendre parfois avec des sommes quasiment symboliques.

 

La génération des milliardaires qui forment la garde rapprochée de Sarkozy sont pour la plupart les produits de cette période faste du mitterrandisme et du jospinisme.

 

L'autre nationalisation consiste à nationaliser les avoirs des banques, parce qu'il y a des avoirs, de faire payer aux actionnaires et dirigeants d'entreprises les pertes sur leur propre patrimoine. La nationalisation ne doit en aucun cas servir à renflouer les patrimoines privés. Ce sont les actionnaires et les dirigeants qui sont à l'origine du problème, ils se sont enrichis, ils doivent payer.

 

Nationaliser le secteur bancaire en fait ne peut se faire qu'à l'échelle nationale et pas européenne, ni régionale. Les procédures permettant les nationalisations ne le sont qu'à cette échelle.

 

Les banques n'ont plus confiance entre elles, ce qui a entraîné une crise de liquidité, à laquelle il a fallu faire face dans l'urgence. Certes mais il ne s'agit pas de poursuivre dans la même logique.

 

Car si on conserve un système de rivalité ou de concurrence entre elles, comme cela se dessine aujourd'hui,  on reste dans le problème. Les banques centrales vont être pillées, pomper du dollars à qui mieux mieux mais cela sera au coup par coup, alors qu'il faut une nationalisation d'ensemble si on veut un minimum de maîtrise, et surtout une réorientation vers l'économie réelle, pas celle vantée par un MEDEF qui se veut vertueux, non une autre conception vers l'emploi, le pouvoir d'achat, les besoins en matières de production marchande  et plus encore en matière de services publics, ceux qui assurent la véritable sécurité de la vie.

 

Cela ne peut se faire dans l'opacité et avec l'idée qu'il y a ceux qui savent et les autres… En matière d'opacité “ils” sont les maîtres… Actuellement personne ne sait plus ce que les dites banques, ou autres institutions financières, possèdent comme titres , ceux qui sont solvables et ceux qui ne le sont pas, il ne s'agit pas seulement des emprunts pour les logements mais aussi les montages LBO qui concernent les entreprises, et les jeux spéculatifs qui se poursuivent sont en train de couler des entreprises solvables, de refuser des prêts qui ne posent pas problème, parce que certains jouent à la panique. Il faut donc qu'un véritable service public mette tout cela à plat ou alors ce sera un tonneau sans fin.

 

Il faut un service public national et la France  n'est pas la plus mal placée dans ce domaine si on ne continue pas à démolir ce que nous avons construit de grandes intitutions et de grands commis capables d'œuvrer pour le bien général. Nous avons encore aujourd'hui tout un monde du travail en matière d'impôt, de trésor public, tout un personnel soucieux des deniers publics que l'on doit mobiliser pour contrôler les nationalisations (3).

 

Si l'on poursuit la concurrence entre banque privée, et ce qui vient d'arriver à l'écureuil le prouve, on aboutira à un gaspillage abominable, à des désastres financiers qui font le bonheur des spéculateurs naufrageurs. Les premières urgences sont là encore par rapport à l'économie réelle, les prêts à court terme indispensables pour la vie des entreprises, mais aussi le logement social qui peut aider la construction, il faut continuer à garantir les dépots mais aussi revoir les endettements des particuliers, comme il faut accorder des subventions à l'économie productive, créatrice d'emplois.

 

C'est à cause de tout cela qu'il faut nationaliser, cela ne sera pas suffisant il faut certes donner les moyens aux employés du secteur bancaire et aux usager de contrôler, mais si nous ne nous sommes pas appropriés collectivement par la nationalisation ce secteur clé, si nous laissons la concurrence et les spéculateurs, le profit à n'importe quel prix, diriger avec les mêmes et les actionnaires le service financier nous n'aurons pas les moyens réels d'un tel contrôle.

 

 (1) Pour une bonne part le budget nord-américain repose sur l'exportation de cette monnaie hégémonique, y compris le budget militaire, les Etats-Unis. Les autres pays travaillent pour acheter du dollars qui ne repose que sur cette « confiance » cela relève du rackett. Les Etats-Unis qui bénéficient de cette rente consomment pratiquement presque 2 milliards de plus par jour que ce qu'ils ne produisent. Le dollar est la principale ressource des Etats-Unis qui le vendent aux autres pays comme monnaie de réserve, et cela leur revient sous forme d'investissements et d'achats de l'économie nord-américaine.

 

(2)En outre mais ce n'est pas le sujet, rien de moins sûr que de voir les pays qui peuvent le faire se jetter sur des obligations du trésor nord-américain, et là tous les regards se tournent vers la Chine, mais c'est une autre question…

 

(3) Ceux qui bénéficient du bouclier fiscal on été nombreux à ne pas réclamer leur remboursement, ils craignaient de déclancher contre eux des procédures de contrôle des agents de l'Etat.

 

http://socio13.wordpress.com/2008/10/20/danielle-bleitrach-pourquoi-faut-il-nationaliser-les-banques-et-creer-un-grand-service-public-financier/

https://www.alainet.org/es/node/130414
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