Plaidoyer pour les femmes dans la sphère politique

31/08/2009
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Ce vendredi 28 août, dans le cadre des "vendredis de la Plateforme" des organisations haïtiennes de droits humains (Pohdh), la sociologue et militante féministe Danielle Magloire, directrice de l’institution Droits et démocratie, a partagé son analyse des causes de la faible participation de femmes en politique en Haïti. Elle a également exposé les différentes mesures d’accompagnement et incitatifs à mettre en place afin d’encourager les femmes à s’affirmer davantage dans cette sphère dominée par les hommes.
 
« Parler de « femmes et politique » demande d’adopter une approche en accord avec le fait que les femmes sont présentes et actives dans tous les secteurs de la société et ne sont pas en dehors de celle-ci, a d’emblée précisé Danielle Magloire. Ce qu’il convient de questionner, ce sont la représentation de ces femmes dans le secteur politique, ce qu’elles font ans la société en regard de cela et pourquoi les choses en sont ainsi.
L’analyse de la représentation des femmes dans la politique révèle sans trop de surprise que celle-ci est insuffisante. « Depuis le début de la nation haïtienne, l’appareil politique est occupé uniquement par des hommes », rappelle Danielle Magloire.
 
La sociologue a posé le problème d’inégalité, voire d’iniquité, comme principal obstacle à l’avancée des femmes dans la société. Elle insiste sur la condition des femmes, inégales face aux hommes, qu’importe leur classe sociale. De plus, elle pose le problème de perception de la participation des femmes aux sphères de décision comme déstabilisateur de la famille organisée traditionnellement autour de la mère ou d’une autre figure féminine.
 
Entre violence et exclusion
 
Les risques de la vie politique, le manque de préparation des femmes à ses défis et exigences, les chantages sexuels dont elles sont victimes dans ce secteur, le phénomène de féminisation de la pauvreté et le cout élevé des campagnes électorales sont parmi les facteurs de limitation de la participation des femmes dans la politique en Haïti. La sociologue s’appuie sur une série d’études effectuées par les organisations féministes dans le pays pour dresser ce sombre tableau.
 
"Lorsqu’un homme fait de la politique, on le critique sur la base des résultats de son travail. En revanche, lorsqu’il s’agit d’une femme, on l’attaque sur son intégrité en tant que personne, souvent sur des questions d’ordre sexuel", a t-elle indiqué, prenant l’exemple récent de l’actuelle première ministre, attaquée lors du processus de sa ratification sur son orientation sexuelle.
 
L’irresponsabilité des hommes constitue également un facteur important, selon elle. Beaucoup de familles haïtiennes sont monoparentales, avec la mère, seule, pour chef de famille. Cette situation limite de facto la participation des femmes aux sphères de décision. De plus, cela participe au problème d’identification dans le pays, des enfants demeurant privés d’identité, désignés comme étant « de père inconnu » dans leur acte de naissance.
La responsabilité paternelle est une véritable bataille, concrètement traduite dans une loi sur la responsabilité paternelle que les organisations féministes tentent de faire approuver au parlement.
 
Danielle Magloire indique toutefois que « l’objectif principal de cette loi est de rendre justice aux enfants et de faire que les adultes aient un comportement responsable ».
 
Un autre facteur de limitation de la participation des femmes en politique est la violence exercée à leur encontre, sorte d’interdiction excluante suscitée par la peur. Partout dans le monde et donc aussi en Haïti, leur corps est considéré comme « un territoire de guerre ». Ainsi, durant la période succédant au coup d’état d’Aristide en 1991, le viol fut utilisé systématiquement comme une arme politique.
 
Cette violence apparait comme une constante, certes plus exacerbée durant les périodes de dictature, mais révélatrice de ce qui se déroule de façon permanente dans la sphère privée.
 
Par ailleurs, la législation actuelle se révèle être un obstacle, en témoigne la loi qui confère au mari le droit de décider du lieu du domicile conjugal. Or, certaines fonctions publiques, telles celles de magistrat ou de notaire, ne sont occupées que dans un espace déterminé. Le mari peut cependant contraindre légalement sa femme à quitter la région où elle peut exercer sa fonction.
 
Dans le secteur de la sous-traitance, la majorité des ouvriers sont des ouvrières. Au niveau syndical, elles ne sont nullement représentées, selon Danielle Magloire.
 
Encourager la parité
 
Pour améliorer la représentation des femmes dans les partis politiques, mais aussi dans les appareils de l’État, des mesures incitatives sont à prescrire.
 
La sociologue a suggéré, par exemple, qu’à compétence égale entre deux membres masculin et féminin, les partis présentent de préférence le candidat féminin. De même, au niveau scolaire et universitaire, elle demande d’encourager davantage la présence des femmes pour qu’il y ait plus de femmes formées.
 
C’est autour des années 20 que les premières femmes organisées ont fait entendre leur voix à travers ce que furent les groupes pour la paix. La date du 3 avril 1986 demeure charnière pour les femmes qui ont alors affirmé qu’elles souhaitaient l’établissement de la démocratie dans le pays, mais pas sans elles.
 
Depuis lors, plusieurs avancées ont été faites, comme le décret loi sur les agressions sexuelles, qui aura permis en 2008 la tenue de 21 procès pour agressions sexuelles. Compte tenu de la difficulté pour monter les dossiers et la peur qui paralyse souvent les victimes, Danielle Magloire croit qu’il s’agit là d’un grand pas.
https://www.alainet.org/fr/articulo/136074
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