Face à la crise humanitaire

« État d’urgence » à la frontière colombienne avec le Panama

28/07/2016
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Bogotá (Colombie), 27 juillet 2016 [AlterPresse] --- L’« état d’urgence publique » est en vigueur depuis deux jours dans la localité colombienne de Turbo, face à la crise humanitaire à laquelle font face environ 4 mille migrants, majoritairement cubains et haïtiens, bloqués à la frontière avec le Panama, apprend AlterPresse.

 

Le maire de cette zone reculée du pays sud-américain, Alejandro Abuchar González, a pris cette mesure le lundi 25 juillet dernier, lorsque la situation des migrants s’est révélée très critique.

 

La situation des migrants haïtiens s’aggrave de jour en jour

 

Dans ce triste panorama, la situation des migrantes et migrants haïtiens bloqués en Colombie, dans leur périple depuis le Brésil vers les États-Unis d’Amérique, s’aggrave de jour en jour à cause de plusieurs facteurs, dont : refoulements continus vers l’Équateur, absence de protection, vulnérabilité aux réseaux criminels de trafic illégal et traite d’êtres humains, difficulté de communiquer en espagnol.

 

Dans le cadre de l’intensification de la patrouille militaire dans les zones de transit des migrants en quête du « rêve américain », l’armée colombienne a annoncé le 24 juillet dernier la « capture » de 24 migrants haïtiens au cours d’une opération menée à Pedregal (zone rurale appartenant à la commune de Imues dans le département colombien de Nariño, frontalier de l’Équateur).

 

Les étrangers se trouvaient en voyage dans un bus de transport public intercommunal.

 

L’armée colombienne les a présentés comme des « migrants illégaux » (à l’instar des prétendus délinquants et criminels qui sont arrêtés dans le cadre d’opérations militaires) par-devant la presse et l’opinion publique ; situation qui contribue évidemment à stigmatiser et criminaliser la migration irrégulière.

 

Les migrants haïtiens ont été refoulés vers l’Équateur, et quatre présumés trafiquants illégaux de migrants ont été appréhendés et soumis à la justice colombienne.

 

Militarisation des frontières colombiennes

 

Cette intense opération militaire contre les migrants irréguliers en Colombie survient, suite à une réunion tenue le 15 juillet dernier entre plusieurs entités de l’État colombien qui ont décidé de passer à l’attaque face à « la présence d’un nombre considérable d’étrangers, en particulier de nationalités cubaine et haïtienne, dans les communes de Turbo (Antioquia) et Acandí (Chocó) ».

 

À cette réunion interinstitutionnelle ont participé des représentants de plusieurs ministères (Relations Extérieures ; Commerce, Industrie et Tourisme ; Santé et Protection Sociale), institutions (Police et Armée Nationale ; Bureau de Migration) et autres entités, dont les autorités départementales et municipales.

 

Ces différents acteurs ont convenu, entre autres points, de lutter contre le trafic illégal de migrants, de réaliser des actions diplomatiques auprès des deux États d’origine (Haïti et Cuba) et du pays de destination (États-Unis d’Amérique) des migrants et de fournir de l’assistance aux personnes les plus vulnérables, dont des femmes enceintes, des mineurs et des personnes âgées.

 

Les autres objectifs, orientés vers l’attention humanitaire et la protection des droits humains en faveur des migrants en transit, sont encore loin de se concrétiser.

 

Silence et inaction des autorités centrales de Bogota sur la crise

 

Cependant, si l’État colombien a augmenté la militarisation des frontières du pays, notamment avec l´´Equateur et le Panama, le maire de la localité de Turbo Alejandro Abuchar González se plaint du fait que « le Gouvernement National n’a donné aucune aide, ne s’est même pas prononcé sur la crise ».

 

Ce silence et cette inaction du Gouvernement central lui ont « obligé », en tant que premier citoyen de cette petite commune frontalière, à déclarer le 25 juillet dernier l’ « état d’urgence publique ».

 

Selon le maire, il y aurait actuellement près de 4 mille migrants cubains à la commune de Turbo qui dorment dans la rue, à l’atrium de l’église et dans des abris provisoires improvisés (« cambuches »).

 

Depuis le 9 mai dernier, date à laquelle le président panaméen Juan Carlos Varela a fermé la frontière de son pays avec la Colombie, les migrants se trouvent bloqués à Turbo, alors qu’une moyenne de 20 Cubains arrive chaque jour dans cette communauté frontalière, en plus de l’affluence quotidienne d’un nombre considérable de migrants haïtiens et extracontinentaux (africains et asiatiques).

 

La situation des migrantes et migrants haïtiens a également appelé l’attention des autorités locales de Turbo qui ont informé que plus de 300 Haïtiennes et Haïtiens ont reçu des sauf-conduits et sont partis, le week-end écoulé, vers le Panama à travers la forêt de Darien.

 

Depuis, elles n’ont reçu aucune nouvelle de ces migrants caribéens qui ont emprunté une route très difficile et pleine de dangers, dont les animaux sauvages, les bandes criminelles organisées et une forêt dense.

 

À souligner que les sauf-conduits sont des documents (espèce de permis provisoire de libre circulation) émis par les autorités locales de Turbo et qui permettent aux migrants, en particulier ceux et celles d’origine haïtienne, africaine et asiatique, de continuer leur voyage vers un autre pays.

 

Pour leur part, les migrants cubains rejettent les sauf-conduits octroyés par la commune de Turbo, choisissant de préférence de faire pression sur les autorités centrales de Bogotá pour que celles-ci les envoient en avion au Mexique et, de là, ils puissent fouler le sol étasunien et obtenir la résidence américaine en vertu de la « Cuban Adjustment Act ». Demande que la chancelière colombienne María Ángela Holguín a catégoriquement rejetée d’un revers de main, en vue de « ne pas encourager la migration irrégulière ».

 

« Protéger et garantir les droits humains des migrants se trouvant sur le territoire colombien, conformément aux instruments juridiques de droits humains aux niveaux international et régional » et « créer des espaces humanitaires pour les migrants en vue de leur fournir assistance et services de base » figurent, entre autres recommandations formulées à l’État colombien dans un rapport [1] récemment publié par trois institutions du pays (Pontificia Universidad Javeriana, Secrétariat de la Pastorale Sociale- Caritas Colombie et Codhes).

 

Dans un communiqué de presse publié conjointement le 5 juillet dernier [2] (en quatre langues, Français, Anglais, Espagnol et Portugais), les trois entités susmentionnées ont invité les États et gouvernements de l’Amérique Latine et de la Caraïbe à promouvoir activement le dialogue en vue de trouver des solutions respectueuses de la dignité et des droits humains des migrants, face à ces flux migratoires intra et extracontinentaux et aux crises à répétitions qui en découlent. [wel gp apr 27/07/2016 06 :00]

 

[1http://www.codhes.org/images/Informe_caracterizaci%C3%B3n_crisis_humanitaria_en_frontera_Colombia_Panam%C3%A1_CER_5_Julio_2016.pdf

 

[2http://www.codhes.org/images/Communiqu%C3%A9_de_Presse_sur_Crise_Humanitaire_%C3%A0_la_Fronti%C3%A8re_Colombo_Panam%C3%A9enne.pdf

 

27 juillet 2016

http://www.alterpresse.org/spip.php?article20438#.V5oyLNfYR0w

 

https://www.alainet.org/fr/articulo/179128
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