Via Campesina appelle à une campagne mondiale pour faire cesser la violence faite aux femmes

16/10/2008
  • Español
  • English
  • Français
  • Deutsch
  • Português
  • Opinión
-A +A

Maputo

 

En attendant les conclusions de l’assemblée des femmes rurales, qui va se dérouler les 17 et 18 octobre 2008 dans le cadre de son Ve congrès à Matola (province de Maputo, Mozambique), le mouvement international paysan Via Campesina lance un plaidoyer pour une campagne mondiale en faveur de la réforme agraire et de la souveraineté alimentaire, mais contre les violences faites aux femmes dans le monde.

 

“Nous devons établir des mécanismes de contrôle social et rendre publique la violence dans les mouvements sociaux et dans la société. Une société qui excuse, pardonne, ou dissimule la violence sous le manteau de la culture ou de la religion, n’est pas le modèle de société pour lequel nous voulons travailler. Nous avons besoin d’une société qui construise des communautés humaines sûres, qui reconnaisse la richesse de chaque être humain et qui affirme que les droits des femmes sont des droits HUMAINS”, fait savoir Via Campesina dans un document de présentation dont a pris connaissance l’agence en ligne AlterPresse.

 

Via Campesina préconise la construction d’un modèle qui, non seulement ne tolère pas la violence, mais “où tous, hommes et femmes, refusent la violence sous toutes ses formes : économique, sociale, physique, morale, sexuelle et environnementale”.

 

De l’avis de Via Campesina, la culture capitaliste patriarcale repose sur quatre piliers.

 

D’abord, elle pratique une violence basée sur la dépendance économique des femmes, le chômage et le sous-emploi dans les villes.

 

Dans les campagnes, le travail des femmes n’est pas reconnu comme créant revenu et richesse, mais plutôt comme une aide pour le mari ou le compagnon. Les femmes ont un accès limité aux ressources productives, à la santé, à l’éducation, au loisir, à la protection sociale, au bien-être ou à la sécurité.

 

Parallèlement, la culture capitaliste patriarcale use encore d’une violence due au fait que les femmes ne contrôlent pas leur propre corps.

 

Les hommes, l’Etat, la religion, la famille et de nombreux mouvements sociaux imposent aux femmes une obéissance et un comportement qui les empêchent de prendre leurs propres décisions. Par exemple, le droit à l’avortement n’est pas garanti dans beaucoup de pays et le trafic de femmes se pratique à grande échelle dans le monde.

 

La culture capitaliste patriarcale fait valoir également une violence fondée sur l’exclusion des femmes de la vie politique. Les femmes participent très peu au pouvoir et aux prises de décisions, que ce soit dans le domaine domestique ou au niveau de la direction des organisations : les hommes dominent la propriété, les églises, les partis politiques, les espaces de décision de l’Etat et des mouvements sociaux.

 

Un autre pilier de la culture capitaliste patriarcale, dénoncé par Via Campesina, consiste en la violence physique et psychologique employée contre les femmes, quand les hommes ne parviennent pas à les dominer par d’autres moyens (par l’honneur, le machisme, le contrôle, le pouvoir).

 

Les rites et coutumes initiatiques, les mariages précoces, les mutilations, et les pratiques qui humilient ou blessent les femmes, marginalisent les femmes. Ces pratiques sont reproduites par les hommes comme par les femmes. Ainsi, la répression, par des gouvernements, de femmes qui manifestent, démontre-t-elle une forme de violence institutionnalisée.

 

En réalité, en reproduisant ce modèle d’exclusion et de division des hommes et des femmes “en raison du manque de respect et de droits dont font part les riches et les puissants, mais aussi les gouvernements et les institutions qui les soutiennent”, les êtres humains prouvent leur acceptation du schéma “du pot de fer contre le pot de terre”, en marge de la justice.

 

“Nous, hommes et femmes, nous devons rester unis contre le système néolibéral qui nous piétine notre dignité, nous spolie de nos ressources et des moyens de subsistance dont nous avons besoin pour survivre. Ce système nous vole notre travail, exploite notre faiblesse et notre pauvreté pour augmenter sa propre richesse, son contrôle et son pouvoir”, constate Via Campesina.

 

Insistant sur une plus grande conscience de la manière, dont la violence pompe l’énergie vitale de toute personne, de la famille et de la société dans son ensemble, le mouvement international paysan plaide pour une démystification de la violence enracinée contre les femmes, une violence qu’il juge structurelle dans la société néolibérale et patriarcale.

 

Pendant que les femmes sont capables d’utiliser et, de fait, elles utilisent, leur intelligence, leur talent, leur force et leur courage  pour aider les sociétés à grandir et à atteindre un monde plus juste pour tous, la violence empêche d’accéder à une véritable égalité et à une participation des femmes.

 

Dans ce document de présentation, préalable à la tenue de l’assemblée des femmes rurales les 17 et 18 octobre 2008 à Matola (Maputo, Mozambique), Via Campesina relève combien le modèle néolibéral de production agricole, basé sur les monocultures, l’agriculture d’exportation et l’utilisation abusive de produits chimiques, est venu à bout des modes de vie ruraux en entraînant des millions d’agricultrices et d’agriculteurs vers les grandes capitales et autres villes.

 

“Le système néolibéral, qui touche particulièrement les femmes, a détruit la nature, provoqué la faim, la misère, l’exclusion, tout cela au profit des multinationales. L’inégalité et la division sexuelle du travail a attribué aux femmes la responsabilité des travaux domestiques, du soin des enfants, des malades et des anciens. Quand elles sont salariées, qu’elles aient des qualifications équivalentes ou supérieures, les femmes gagnent moins qu’un homme qui occupe le même emploi”.

 

De plus, les femmes sont souvent victimes de violences domestiques.

 

Les relations de pouvoir sont cachées, la soumission et la violence sont considérées comme naturelles, et la société “se lave les mains” faisant valoir le dicton que “ce qui se passe derrière une porte fermée ne regarde personne”.

 

De telles valeurs, signale Via Campesina, sont transmises de génération en génération, perpétuées et renforcées par les religions qui utilisent leurs outils, leurs rites et leurs règles pour justifier et maintenir cet état de fait patriarcal, affirmant que la femme doit obéir à l’homme.

 

Le mouvement international paysan juge paradoxal l’absence de respect envers les femmes, particulièrement exposées à la violence des institutions et des Etats, mais aussi à celle exercée dans leurs propres foyers et communautés, là même où elles seraient en droit d’attendre paix et sécurité.

 

Tout en exigeant la mobilisation contre la situation de forte exclusion et d’oppression sociale et économique, dans laquelle “injustice terrible” se trouvent les femmes des communautés rurales, Via Campesina convie toutes ses membres à organiser des sessions de formations spéciales pour informer les paysannes sur leurs droits et la manière de les défendre.

 

Il faut “augmenter le niveau de conscientisation des femmes pour qu’elles comprennent les causes de la violence et comment y échapper”.

 

Il importe de “faire pression sur les gouvernements pour qu’ils appliquent les accords et les traités internationaux et qu’ils mettent en oeuvre des politiques publiques pour combattre toutes formes de violence envers les femmes”.

 

En plus d’en finir avec toutes les formes de violences faites aux femmes, l’objectif final de la campagne lancée est de contribuer à la construction d’un projet pour une société globale “qui soit juste et égalitaire, sachant que dans la culture capitaliste et patriarcale ce changement est impossible”, fait ressortir Via Campesina.

 

Dans la mise en œuvre de cette campagne, le mouvement international paysan demande la prise en compte des spécificités de chaque continent ainsi que la continuité “avec un calendrier d’actions et de confrontations à court terme, à moyen terme et à long terme pour promouvoir des luttes et des actions concrètes dans chaque pays”.

 

Tout en consolidant les alliances avec tous les groupes, mouvements et personnes disposés à inclure la campagne dans leur combat, ces recommandations devraient permettre de renforcer l’organisation et la lutte des femmes pour leur émancipation, ainsi que de faire progresser l’égalité des sexes et la participation des femmes dans toutes les sphères du pouvoir, souhaite Via Campesina. [rc apr 17/10/2008 10:00 locales [1] à Maputo]

 

[1] 7 heures de différence par rapport à Haïti

 

- Ronald Colbert, Envoyé spécia

AlterPresse - Haiti

 

http://www.alterpresse.org/spip.php?article7800

https://www.alainet.org/fr/articulo/130309
S'abonner à America Latina en Movimiento - RSS