Centralisme et participation au Venezuela

30/11/2006
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Les mouvements sociaux, apparus au cours des dernières décennies, vivent un âge doré depuis qu’Hugo Chavez gouverne. Toutefois, les rythmes de transformation à la base ne coïncident pas toujours avec ceux au niveau institutionnel.

Sauf imprévu ou magnicide, le processus bolivarien est en train de se renforcer face à ceux qui prétendaient le démolir par la force ou par les urnes. La décision de la majorité de l’opposition de participer aux élections [du 3 décembre 2006, ndlr], contre ce que recommandaient des partis comme Action Démocratique (AD, Acción Democrática), a permis d’isoler les opposants « durs » ou putschistes. Les échecs antérieurs ont pesé dans cette décision, en particulier le référendum révocatoire du mandat d’Hugo Chavez [le 15 août 2004, ndlr], qui démontra tant les limites de l’opposition que le solide appui dont bénéficie le président de la majorité de la population.

A l’origine de cette décision, il y a eu aussi la prospérité économique que connaît le pays, qui croît à des rythmes soutenus depuis l’échec de la « grève » pétrolière en 2003. Même si cette croissance n’a pas réussi à réduire la profonde fracture sociale entre les pauvres et les classes moyennes, la bonne santé de l’économie permet d’atténuer l’exaspération de ces dernières qui, avant tout, observent avec rancœur le renforcement des capacités (empowerment) des secteurs marginalisés et exclus. Parallèlement, le régime bolivarien peut brandir en sa faveur l’amélioration des indicateurs sociaux, surtout en ce qui concerne la santé, la gestion de l’eau et l’éducation.

Cet ensemble de facteurs, étroitement liés aux prix élevé du pétrole sur le marché international, joue en faveur de la détente politique et sociale, de la stabilisation du processus politique interne et créent les bases pour un éventuel approfondissement de la ‘révolution bolivarienne’ et les changements proclamés par le président lui-même. Tout indique que la participation de la population, avec ses potentialités et ses limites, seront au centre de la conjoncture post-électorale.

Mouvements et participation

Un ensemble de mouvements sociaux vénézuéliens d’un nouveau genre, surgis dans les années 90, se sont consolidés ces dernières années grâce à l’attitude positive du gouvernement d’Hugo Chavez. Les plus dynamiques sont généralement ceux de caractère territorial, comme les 2 000 et plus conseils techniques de l’eau (Mesas Técnicas de Agua) et les 6 000 comités de terres urbaines (comites de tierra urbana), créés à partir de 2002, qui représentent un million de familles. Ils forment le noyau des nouveaux mouvements auxquels l’on devrait ajouter l’Union nationale des travailleurs (UNT, Unión Nacional de Trabajadores) qui s’est scindée de la traditionnelle Confédération des travailleurs du Venezuela (CTV, Confederación de Trabajadores de Venezuela).

Les mouvements territoriaux et communautaires pour gérer l’eau et pour légaliser les milliers d’installations qui ont été construites dans les quartiers populaires, sont la réponse des plus pauvres aux politiques de marginalisation et de ségrégation, imposées par le modèle néolibéral. Dans les deux cas, le gouvernement bolivarien est en train de promouvoir l’intégration des pauvres, ladite « inclusion sociale », par le biais de la mobilisation des exclus, ce qui distingue ce processus des politiques focalisées sur la pauvreté, qui caractérise les gouvernements de droite et même les progressistes ou de gauche, dans les autres pays latino-américains, et qui transforment les pauvres en objets d’assistance ou de charité sans changer leur rôle dans la société. Tout au plus, ils obtiennent une intégration dans des conditions de subordination. Sans doute, ce changement est un des principaux facteurs qui permettent de parler d’un nouveau rapport de forces entre les classes et les secteurs sociaux au Venezuela, et la raison pour laquelle l’opposition de droite et l’administration Bush désirent mettre fin à ce processus.

Selon des analystes indépendants, l’offensive de la droite et de l’opposition pour en finir avec le processus bolivarien a bloqué les débats naissants que l’on observe chez les militants de base qui recherchent une plus grande participation dans les décisions gouvernementales. Tout indique qu’au fur et à mesure de la consolidation de ce que l’on appelle la ‘révolution bolivarienne’, la contradiction entre la centralisation et la participation ira en s’accentuant. La conjoncture post-électorale semble être favorable à l’augmentation de ces débats qui, de façon presque inévitable, buteront contre des fonctionnaires du gouvernement enclins à prendre des décisions d’en haut.

La carte régionale

Avec le triomphe de Luiz Inacio Lula da Silva au Brésil, le processus d’intégration régionale ne semble pas affronter de sursauts majeurs, au-delà des obstacles dressés par les Etats-Unis qui cherchent à signer des traités bilatéraux de libre-échange avec plusieurs pays de la région. En réalité, les plus grandes difficultés se présentent lorsque les intérêts nationaux prennent le pas sur les régionaux à travers une série de conflits : l’Argentine et l’Uruguay, qui s’affrontent à cause des usines de cellulose ; le Brésil et la Bolivie à cause de la nationalisation du gaz décrétée par Evo Morales ; l’Argentine et le Brésil ont été brouillés par une guerre commerciale durant plusieurs années ; le Paraguay et l’Uruguay se sentent délaissés par les grands pays du Mercosur...

Dans ce panorama, le Venezuela joue d’une manière transparente et décidée en faveur d’une intégration régionale qui ne se développerait pas seulement dans le domaine commercial ; il défend des formes intégrales de construction d’une solide alliance régionale, et il le fait avec générosité, en utilisant ses abondantes ressources pétrolières pour dynamiser le processus d’intégration. Un bon exemple de ses intentions d’intégration est la proposition de construction du Gazoduc du Sud qui reliera le Venezuela à la Patagonie argentine, projet qualifié de « plaisanterie » par Felipe Gonzalez. La consolidation du processus bolivarien peut constituer un puissant appui à l’intégration régionale.

Traduction : El Juguete Rabioso / Le Jouet Enragé (http://lejouetenrage.free.fr/). Traduction revue par l’équipe du RISAL.

https://www.alainet.org/fr/articulo/118479
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