Haití : Insécurité, État et Société (2ème partie)

06/05/2018
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Sans une révolution dans notre politique agraire, notre agriculture est condamnée, nos institutions sont condamnées, la Nation en son ensemble est condamnée.
Anthony Lespès- 1945

 

A quoi servent ces élites qui se prévalent de science, d’argent ou de puissance quand elles sont liées aux chaînes défaillantes de la pauvreté rurale ou urbaine ? Elles sont isolées parce que en somme inutiles et étrangères au fait social du pays qu’elles croient représenter.
Agr Louis Déjoie. 1951

 

INTRODUCTION

 

En abordant la question de l’insécurité, subséquente à la dépossession de l’Etat Haïtien, d’un de ses attributs régaliens, nous avons identifié plusieurs éléments ayant concouru à cette situation particulière.

 

Mais, entre tous les éléments, il importe de définir celui qui est la clé autour de laquelle viennent se greffer les autres déterminants. Cette hiérarchisation est d’importance capitale, car c’est elle qui permet de cerner au milieu de toutes les incertitudes, l’essence du problème. Puis d’orienter les diverses actions à entreprendre. Elle indiquera par où commencer pour garantir le succès de toute démarche. C’est elle qui évitera que nous prenions les effets pour la cause et les symptômes pour la maladie.

 

En considérant la crise haïtienne, le niveau insoutenable de la misère et de l’exclusion, le taux démentiel de chômage et le sauve qui peut généralisé qui en est l’aboutissement actuel, la question économique doit servir de fil conducteur pour relever ce défi. Mais, c’est le système lui-même qui est en cause ne l’oublions jamais.

 

Quand nous parlons d’économie, nous faisons ici référence au système productif dans son intégralité (économique, commercial, financier internes et externes) incluant les rapports fonciers. Et nous allons regarder de plus près -en sachant que des éléments connexes sont laissés de côté- comment et pourquoi les choses se sont aggravées durant les dernières décennies.

 

Nous devons signaler dès le départ que le système économique haïtien, particulier dans son montage, a donné naissance très vite à une société à deux vitesses ; le sous-ensemble urbain, le monde des élites et ses ramifications et le sous-ensemble rural, le monde paysan. Cette architecture a produit l’un des systèmes les plus inégalitaires du continent.

 

1- Sans remonter trop loin, nous constatons que le duvaliérisme est arrivé au pouvoir au moment où le système de rentes tel qu’il a évolué depuis 1915 rentre en crise totale. Les palliatifs administrés sous les gouvernements d’Estimé et de Magloire ne tiennent plus la route. La politique de prestige s’essouffle. Les coûteux investissements de la parade touristique (Cité de l’exposition du bi-centenaire, Belladère, hôtels de luxe à Port-au-Prince [1], puis Cap-Haïtien-Gonaïves) ont englouti les millions du café, de la figue-banane, de la pite, en oubliant le relèvement et la modernisation de l’agriculture et le sort de la paysannerie.

 

2- En 1951-1953, pour l’exportation de 100 kilos de café, les paysans caféiculteurs recevaient 71 % des revenus et les intermédiaires 13%. Alors que les prix ont chuté vers 1955, que le cyclone Hazel a fait de sérieux ravages dans les caféiers et les cacaoyers, que les paysans notamment de la Grand’anse et du sud sont aux abois, les politiques commerciales broient littéralement ceux qui font vivre le pays. Au lieu d’investissements de support, pour remembrer caféier et cacaoyer, les taxes à l’exportation sur le café, passent de 16% en 1953 à 37% en 1956-1957 [2]. La part des producteurs diminue à 43,6% et celle des intermédiaires augmente à 24,8. Sous François Duvalier, en 5 mois, Les lois du 19 août 1963, du 23 décembre 1963 et du 1er février 1964 prévoient des taxes additionnelles sur le café. « Aucune de ces taxes ne concerne la culture du café … et l’intégralité de la taxation repose sur les épaules de l’habitant producteur » [3] une vague d’agriculteurs abandonnent la campagne.

 

3- 17 entreprises agro-industrielles appartenant à Louis Déjoie [4] et quelques autres appartenant à des entrepreneurs non associés au régime duvaliériste furent vandalisées dans les débuts du pouvoir (1957- 1964) par des thuriféraires du régime. Or, les seules entreprises de Louis Déjoie fournissaient 45 000 emplois surtout dans le sud (Cayes, Ile à Vaches, Port-Salut, Miragoâne) et le plateau Central. La répression sauvage a remplacé les palliatifs des régimes antérieurs. En 1965, la famine frappe le Sud. Les paysans affamés et ruinés liquident le bétail. La HAMPCO [5] (une entreprise américaine d’exportation de viande) achète le gros bétail à vil prix. [6] C’est l’exode vers la capitale. En même temps, la répression sauvage bat son plein. André Simon instaure la terreur dans le sud’est pour s’emparer des terres des paysans. A la forêt des pins, et dans les zones de Belle-anse Thiotte et Mapou, les macoutes assassinent à tours de bras ceux, suspects de sympathiser avec la guerilla des frères Baptiste, mais aussi pour faire main basse sur les scieries. Pour la seule année 1964, environ 600 paysans furent exécutés et jetées dans des fosses communes [7]. Dans la Grand’anse, des paysans sont fusillés ; suspects d’avoir aidé les combattants de Jeune Haïti. Nous en sommes à l’échéance du sang pour répéter Rolph Trouillot.

 

4- Le cheptel porcin estimé à 3millions de tête de bétail vers 1960, diminue sensiblement. [8] Et vers 1968, les politiques publiques abandonnent formellement l’agriculture au profit de la sous-traitance et du tourisme selon le vœu des américains. En 1971, c’est le comble. La part de revenus des intermédiaires du café augmente à 34%, et celle de plus de 180 000 paysans producteurs descend à 34%. Ces intermédiaires, ce sont 25 exportateurs et un millier de spéculateurs. Les paysans perdent 40% de leurs revenus. [9] Beaucoup de caféiculteurs découragés abandonnent cette culture. La production est en chute libre. Dans ce contexte, Haïti ne peut même pas honorer le quota d’exportation qui lui est alloué. En 1957-1958, Haïti exportait 432. 303 (quatre cent trente deux mille trois cent trois) sacs de café de 80kg ; 20 ans plus tard, en 1976-1977, les exportations baissent de façon significative à 264.822 sacs de 60kg. [10]

 

5- Environ une centaines d’entreprises (la plupart américaines) [11], obtiennent l’autorisation de s’installer au pays vers 1967-1968. La sous-traitance démarre et profite des « bontés » de la dictature et de la misère abjecte des masses populaires. La production agricole chute encore plus. A Port- au-Prince, les pauvres aux abois, se font vampiriser par les chacals de la Hemo Carribean pour US 3 dollars le litre de leur sang. La malnutrition passe de 21% en 1958 à 67% en 1977. [12] Et pendant que le tourisme fait quelques heureux nantis, les émeutes de la faim secouent le nord du pays. Le volcan se réveille. Ce qui n’empêche pas en décembre 1976, la Jet Set de s’amuser toute la nuit dans les piscines éclairées de l’hôtel réputé le plus prestigieux de la Caraïbe, l’Habitation Leclerc, alors que « tout Port-au-Prince était dans le noir et souffrait de manque d’eau » [13]

 

6- Les importations de produits agricoles passent de 10% en 1970 à 23% en 1981. La misère rurale s’approfondit et l’exode rural se tourne aussi vers la mer. Miami notamment. Le monde entier horrifié découvre en 1980 les cadavres de CAYO LOBOS. Les premiers kantè. Mais la sous-traitance fait des millionnaires (environ 200) [14] . Et la destruction de ce qui restait du cheptel porcin (la banque des paysans) est le prix à payer pour faire venir à Port-au-Prince encore plus de main-d’œuvre à bon marché. La pauvreté absolue passe de 48% en 1976 à 75% en 1986. Et Cité Simone passe de 15 000 habitants environ vers 1963 à Cité Soleil 250 000 habitants environ en 1986. La misère abjecte lance « 750 000 boat-people » [15] à l’aventure et fournit « 500 000 parias à Port-au-Prince ». [16] Le pays passe de l’essoufflement et les palliatifs des années 50, à la contention de la crise par la répression sauvage, la bulle touristique et l’illusion de la sous-traitance.

 

7- Et c’est dans un contexte aussi explosif, que le plan américain pour Haïti donne le coup de grâce à l’économie haïtienne. Des institutions d’Etat comme la BNDAI (Banque nationale de Développement Agricole et Industriel) la ENAOL (Entreprises nationales des Oléagineuses) sont fermées. Les taxes qui protégeaient la production agricole, et l’élevage décadents, ainsi que les industries locales sont sévèrement réduites. Haïti, pays très pauvre, devient ainsi le pays dont le marché est le plus ouvert de toute la région. « …En moins d’un an, les autorités économiques d’après le 7 février ont pu démanteler l’essentiel de l’arsenal protectionniste national » [17] La Banque Mondiale se réjouit de cette extraordinaire docilité et félicite les autorités : « Le régime commercial a été profondément remanié… toutes les restrictions à l’importation au nombre de 111 (cent onze) ont été éliminés… Haïti subissait déjà le contrecoup attendu de la libéralisation… le préjudice qui en a résulté pour les producteurs locaux de riz et d’autres produits vivriers était compensé par …la baisse des prix à la consommation » [18]. Et la Banque mondiale optimiste de conclure : « Haïti avait pris un bon départ » [19]. Bon depa se rans ! Haïti avait fait le décollage parfait vers le précipice. Et pour couronner toutes ces mesures antinationales, Lesly Delatour déclarera sans détour vers la fin de l’année 86, que la contrebande était une bonne chose pour Haïti, [20] car elle faisait baisser les prix !!!!!!!!!!!!!!!

 

8- Et les paysans haïtiens se sont battus contre cette mise à mort. « Batailles rangées le week-end dernier à Pont-l’Estère. Deux morts et plusieurs dizaines de blessés… » [21] Nous sommes au début du mois de décembre 1986. Il s’agit de « l’entrée massive et incontrôlée du riz étranger en Haïti, compromettant sérieusement (l’) accès au pain quotidien (des) petits paysans de la Vallée de l’Artibonite » [22]. Par ailleurs des manifestations populaires se sont multipliées, contre le plan lanmò, les fermetures d’institutions publiques, et les menaces de privatisations. Le coup d’Etat de 1991 enfoncera davantage la paysannerie qui perd 50% de ses maigres revenus, [23] en plus de subir la répression sanglante des putschistes. Ajoutés aux milliers de morts du coup d’Etat sanglant, des milliers de jeunes activistes des quartiers populaires [24] abandonnent le pays. Beaucoup d’entre eux se retrouveront dans les camps sordides de Guantanamo. Le flot des boat-people qui avait tari après le 7 février 1991, reprend de plus belle. Les actifs de la sous-traitance passent de 45 000 en 1991 à 5000 en 1994. [25] Mais contrairement à l’attente des masses populaires et paysannes, la mise en exécution des accords de Paris dans le cadre du retour à l’ordre constitutionnel consacrera l’effondrement total de l’économie agricole et industrielle locale avec des taxes à l’importation à ras le sol et d’autres mesures propres à augmenter le chômage. Les guildiviers de Léogane tenteront machettes en mains d’empêcher l’entrée massive en contrebande de l’éthanol après 1995. Mais, hélas, en une dizaine d’années, la perte de plus de 800 000 emplois agricoles, selon Christian Aid consacre la débâcle du système !

 

9- Ce survol de la situation économique devrait nous aider à comprendre comment le système de « contre production haïtien » est devenu une fabrique de misère, pour la paysannerie forcée à l’exode notamment vers Port-au-Prince et pour la majorité de la population. Or Port-au-Prince est saturé, sans aucune condition ni sur le plan économique (absence d’un tissu industriel conséquent) ni sur le plan de l’urbanisation (eau, électricité, logements…) pour recevoir cette déferlante.

 

10- Tous les indicateurs signalent l’enrichissement effréné de quelques familles pendant que l’écrasante majorité de la population sombre dans la misère abjecte. Les inégalités se renforcent. Haïti est le pays le plus inégalitaire de l’Amérique Latine et de la Caraïbe. C’est ce que confirme le rapport de la Mission justice du PNUD-1999 quand elle fait référence « Aux inégalités sociales scandaleuses qui permettent à 4% des plus riches de rafler 66% du revenu national, forçant ainsi 80% du monde rural à vivre dans la plus flagrante indigence… »

 

11- Première conclusion : la détérioration accélérée de l’agriculture paysanne et du cadre de vie rurale, oblige la paysannerie à émigrer. Ainsi, par vagues successives, ils abandonnent les mornes et la campagne, soit pour aller dans les bateys de St-Domingue, soit pour s’aventurer en mer vers Bahamas ou Miami, soit pour s’installer à Port-au-Prince et ses environs. Un lumpen prolétariat numériquement important s’établit un peu partout dans la capitale. Dès 1991, la population de Port-au Prince augmente à 1.500. 000 habitants Les deux tiers de cette population s’entassent dans les bidonvilles. [26] Les ONG se multiplient et multiplient les œuvres de bienfaisance pour disent-elles, soulager la misère.

 

12- Et nous abordons le deuxième déterminant très lié au premier qui est la question culturelle.

 

Nous avions souligné dans la première partie de notre article, comment la question culturelle jouait un rôle important dans l’explosion de l’insécurité et la violence aveugle qui souvent l’accompagne. Culture entendue comme l’ensemble des us et coutumes d’une communauté, liés à son vécu et à sa vision du monde.

 

Nous avions aussi mentionné le phénomène de la violence urbaine et il convient d’expliquer pourquoi cette différenciation entre violence urbaine et violence rurale.

 

13- Des couches rurales successives se sont installées à Port-au-Prince et dans les grandes villes, Mais principalement à Port-au-Prince compte tenu de la centralisation. Ces couches paysannes ont vécu longtemps, une vie rurale transposée dans la capitale sans modification significative : Les formes d’unions conjugales « le plaçage », la solidarité, la simplicité, les recettes culinaires, les attaches solides avec le patelin sous forme de va et vient constant de la ville vers la campagne etc. Raynand pierre confirme : « Dans les années 80, la zone –Solino- avait une culture rurale avec des enfants qui marchaient parfois complètement nus ». [27] Mais, la deuxième moitié des années 70, le déclin accéléré de l’agriculture paysanne, l’accélération de l’exode rural, l’option de la sous-traitance et du tourisme, crée une situation nouvelle pour la jeune génération, avec l’augmentation du chômage urbain et de la pauvreté généralisée. Les anciennes solidarités, comme soulignés antérieurement, ne peuvent plus remplir le rôle de substitut de l’assistance sociale. Et la société craque. De nouvelles coutumes s’affichent dans ces zones marginalisées où la survie est de plus en plus difficile.

 

14- Et survint 1986 avec la libération de la parole. Et un fort mouvement revendicatif. Un mouvement dans lequel la majorité écrasante des pauvres se sont reconnus. Notamment les 250 000 habitants de Cité Soleil, zones pourvoyeuses par excellence à l’époque des travailleurs de la sous-traitance. Et ce fut l’espoir. Et la multiplication des ONG. Mais, la situation économique se détériorant, les solidarités ayant volé en éclats, l’autre culture de survie s’est renforcée progressivement. Et c’est la confrontation permanente de deux mondes. Le monde urbain des préjugés, de l’avoir, du savoir et de l’arrogance et celui des marginalisés dans un contexte de revendications généralisées. Par ailleurs, beaucoup plus de jeunes ont fréquenté l’école, écoutent la radio, les débats et regardent la télévision chez un voisin ou dans une banque de borlette. En outre, certains font un job chez les nantis, côtoient les voitures de luxe et l’exposition insolente de la richesse. Les marginalisés prennent davantage conscience de leur dénuement. La frustration et la haine sociale explosent.

 

Sous le patronage du sinistre Frank Romain, bourreau duvaliériste attitré, un groupe de marginaux armés, issu de Cité Soleil, connu sous le nom de brassards rouges, réalisa sa première action d’éclat en septembre 1989. Ils attaquèrent des fidèles catholiques réunis dans une cérémonie religieuse officiée par le père Jean-Bertrand Aristide. Ils assassinèrent quelques uns, blessèrent d’autres et poignardèrent une femme enceinte. Cet épisode traduisait déjà une situation sociale en complète décomposition. Et l’état du tissu social dans le sable mouvant des bidonvilles où la détresse matérielle entraînait la détresse morale et l’abandon progressif des valeurs traditionnelles de la société paysanne. Car la ville n’offrait ni emploi digne, ni intégration sociale, ne permettant aucune appropriation de valeurs citoyennes.

 

15- Cependant, la force du mouvement social revendicatif entre 1986 et 1991 pouvait encore jusqu’à un certain point, canaliser la frustration des laissés pour compte des bidonvilles. Encore plus avec l’espoir ouvert par la victoire du 16 décembre 1991. Mais le coup d’état sanglant du 30 septembre 1991 tua l’espoir des pauvres et permit aux pires penchants du lumpen de s’exprimer. Et le pouvoir Lavalas dans son combat stérile pour garder le pouvoir n’a fait qu’exacerber chez les marginalisés cette sous-culture de survie nourrie de frustrations et de haine sociale.

 

16- Le paysan de belle Fontaine, de Duchiti, de Fond Jean Noél est guidé par d’autres référents culturels. Il vit dans un monde de rapports sociaux et familiaux liés à la terre et aux traditions ancestrales. Société de simplicité et de frugalité. En général, dans ce milieu, les différences de statut ne sont pas tranchées. C’est un monde de gens pauvres, parfois très pauvres, mais dont l’univers est bien différent de celui des bidonvilles. Ils ne subissent pas non plus l’étalage insolent du luxe de la capitale.

 

17- La frustration et la haine sociale converties en violence aveugle sont les scories de la conscience révolutionnaire. Une conscience révolutionnaire, le vouloir changer l’ordre injuste des choses contribuent à sublimer cette haine sociale et la colère qui l’accompagne pour les transformer en esprit combatif et en esprit de sacrifice capables de contribuer à la construction d’une Nouvelle Société. Mais, une telle transformation découle forcément de l’existence d’une direction politique démocratique et populaire susceptible d’orienter le combat des forces vives de la nation et des laissés pour compte. C’est d’ailleurs cette canalisation de la haine et des frustrations qui empêche toute société en mutation de s’auto détruire. Car la haine et la colère dans le sable mouvant des bidonvilles sont des éléments destructeurs faute de perspectives.

 

18- Que faire face à la taille des défis ? Par où commencer ? Il faut que notre société sache que plus le temps passe plus les problèmes deviennent difficiles à résoudre. Dans ce sens quelque soit la manière d’aborder le problème, il faut que l’on soit clair mais absolument clair que c’est tout le système socio-économique et politique qui est en questionnement. Il faut définitivement abandonner les sentiers battus des kits alimentaires, des petites écoles, des places publiques, des routes sans avenir pour aller au charbon comme disait Patrick Elie.

 

19- Il faut commencer à briser les mécanismes de création et de maintien de la misère et donc penser emploi massif. Qui dit emploi massif dit formation massive. Mais d’où viendront les emplois massifs ? A court terme, créer avec l’appui de l’INFP, de la Faculté d’Agronomie de la CNC, des Coopératives, des petites entreprises regroupant des jeunes des bidonvilles pour la fabrication d’engrais en utilisant les tonnes de déchets disponibles dans nos principaux marchés comme la Croix des bossales, le marché Salomon etc. On pourrait en faire de même pour le recyclage des tonnes de récipients en plastique. D’autres ateliers pourraient être préposés à la fabrication de poubelles pour les places publiques. Des coopératives d’ébénisterie pour la fabrication de bancs d’écoles et d’équipements divers. Où trouver l’argent pour la mise en œuvre de ces projets ? De sources multiples. Par exemple 50% des fonds préposés à la construction du building du parlement. Ce serait déjà 15 millions de dollars US soit 975 millions de gourdes ; puis prélever des fonds du FNE pour les activités de formation. Par ailleurs, Il y a tant d’autres sources à débusquer.

 

20- Les jeunes des bidonvilles devraient pouvoir travailler sur tous les grands chantiers de construction, notamment les routes à travers le pays. ils remplaceraient une bonne partie des engins lourds extrêmement coûteux. Imitons les chinois.

 

21- Le chantier décisif sera sans nul doute la Réforme Agraire accompagné d’un fort réseau de micro et petites entreprises de transformations. Ce qui permettra à beaucoup de jeunes de regagner leurs zones d’origine en s’appuyant sur des activités productives ;

 

22- Il importe aussi d’avancer avec le projet de déconcentration et de décentralisation qui facilitera encore plus la réinsertion productive d’une main d’œuvre jeune.

 

23- Puisque nous parlions de violence, il sera nécessaire qu’il y ait une réflexion des forces de progrès de la société sur les crimes commis. Ne serait-il pas souhaitable que des méthodes alternatives de jugements, inspirées du droit coutumier haïtien soient adoptées face aux coupables ?

 

24- Raynand Pierre terminait ainsi son article, qui faisait allusion à un jeune chef de gang de 24 ans : « Dans son cas, le considérer uniquement comme un bandit ou un chef de gang et l’envoyer seulement en détention serait une vision erronée de la nature humaine ». [28]

 

Et ce serait décharger les élites, politiques, économiques et intellectuelles de leur responsabilités devant l’Histoire et la Nation.

 

- Myrtha Gilbert est enseignante, chercheure

 

[1] L’Abeille…

[2] Christian Giraud, 1982

[3] Christian Giraut, habitants, 1982

[4] Georges Condé, Louis Déjoie, Profil d’un entrepreneur, Imprimeur SA, mars 2014.

[5] Gérarad pierre-Charles, Radiographie d’une dictature, méxico 1968

[6] Gérard Pierre-Charles, op cit

[7] Claude A. Rosier, Le triangle de la mort, 2003

[8] Michel William article

[9] Christian A. Girault, le commerce du café en Haïti ; habitant, spéculateurs, exportateurs, 1982 ; Rapport de l’OEA, 1972

[10] Christian Giraud op cit

[11] Gérard Pierre-Charles Radiographie d’une dictature

[12] idem

[13] Hugues Séraphin : La transition Club Med-Club Indigo, une allégorie du Tourisme en Haïti

[14] Jean-Jacques Honorat, Haïti l’échec, Economie et politique d’un pays mis en lambeaux 1992

[15] Idem

[16] idem

[17] Fritz Deshommes, Vie chère et politique économique en Haïti, 1992

[18] Banque Mondiale, LE REDRESSEMENT DE L’ECONOMIE HAITIENNE. Résultats, problèmes et perspectives. Mars 1990

[19] Banque mondiale, op cit

[20] Fritz Deshommes, la nation écartelée, entre plan américain et projet national. 2000.

[21] Fritz Deshommes op cit.

[22] idem

[23] Rapport MARNDR, cité par grassroots international, 1997

[24] Myrtha Gilbert, Se prendre en charge où disparaître, 2004

[25] Marie josée Garnier, Programme de renforcement du mileu d’Affaires PRIMA 2007

[26] Gérard Barthélémy, Culture et Survie à Port-au-Prince, 1996

[27] Le nouvelliste, vendredi 24, dimanche 26 août 2007, Raynand Pierre, Itinéraire d’un général de la génération sacrifiée, article.

[28] Raynand Pierre, Itinéraire d’un général de la génération sacridiée

 

Source : AlterPresse, 4 mai 2018

http://www.alterpresse.org/spip.php?article23032#.WuzXH5ch3IU

 

https://www.alainet.org/es/node/192679
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