Venezuela :Coup d'œil sur la semaine du 16 au 22 août 2020

26/08/2020
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Le chavisme se fissure-t-il ? Où est Carlos Lanz ? L’impact de la COVID-19 est-il si grave ?

 

Le présent article est consacré à apporter des réponses aux questions présentes dans le débat des Vénézuéliennes et Vénézuéliens. La première est en relation avec les élections qui ont suscité, entre autres choses, un intense débat public concernant le choix des candidats chavistes. La seconde question concerne la disparition d’un militant de la première heure de la gauche vénézuélienne et l’organisation de recherches collectives sur tout le territoire national. Nous ferons ensuite un bref bilan des conséquences qu’a eues la pandémie sur le peuple vénézuélien jusqu’à présent. Et nous finirons par quelques brèves.

 

Où est Carlos Lanz ?

 

C’est la question que diverses organisations politiques, sociales et nous, les militants, nous posons tous les jours depuis presque deux semaines. Sur le réseau social Twitter, on a réussi à ce que cette question soit tendance aux heures de plus grande affluence et cela à plusieurs reprises. Et dans certaines rues, on commence à apercevoir sur les murs des inscriptions avec cette question. Le but : intensifier les recherches et localiser ce camarade.

 

Son fils Alex Lanz est le porte-parole officiel de sa famille. Selon lui, Carlos Lanz est sorti de chez lui le 8 août dernier et depuis on ne sait plus où il est. Le procureur général de la République, Tarek W. Saab, a déclaré il y a un peu plus d’une semaine que les services de renseignement et des équipes spécialisées de la police s’en occupent. Le porte-parole de la famille Lanz a déclaré que des membres haut placés du gouvernement ont parlé avec lui et l’ont mis au courant des démarches concernant les recherches, mais à ce jour le gouvernement bolivarien n’a pas fait de déclaration officielle publique.

 

Carlos Lanz est un militant révolutionnaire très engagé politiquement depuis les années 60. Il est sociologue et est le frère de Rigoberto Lanz, un des intellectuels vénézuéliens de gauche incontournable pour qui veulent comprendre le pays. Il a contribué à organiser le peuple et à créer une pensée critique vénézuélienne et latino-américaine. Il a réfléchi, en particulier, systématiquement, sur les nouvelles formes d’agression mises en œuvre contre le Venezuela. Dans le cadre de la Révolution bolivarienne, il a participé à une grande partie de la réforme de l’éducation à partir du processus constituant de 1999 et à une expérience de “contrôle ouvrier” dans l’entreprise Alcasa qui fait partie des entreprises situées dans la zone du fer, au sud du pays.

 

Dans différents forums, on a exposé de multiples hypothèses sans qu’aucune n’ait de fondement matériel. Sa famille déclare croire qu’il s’agit d’un “enlèvement pour raisons politiques.” Malheureusement, chaque jour qui passe voir les chances de le retrouver vivant s’amenuiser.

 

Le chavisme se fissure-t-il?

 

Ces dernières semaines, deux débats clés au moins se sont développés au sein du chavisme. Le premier concerne les salaires : alors que la population est assez d’accord, des personnalités importantes de la politique et du milieu universitaire défendent des positions opposées, en plus des réflexions qui proviennent des syndicats. Le deuxième débat porte sur l'unité révolutionnaire en vue des élections législatives. On observe au sein du Parti socialiste unifié du Venezuela une dynamique intense visant à consolider une formule qui rend compte de son hégémonie dans la révolution bolivarienne alors que des organisations plus petites revendiquent leur autonomie et s'articulent dans ce qu'elles ont appelé l'Alternative révolutionnaire populaire.

 

Beaucoup d’observateurs pensent que c'est l'expression d’une rupture au sein du chavisme, l'implosion tant désirée qui marquerait le début de la fin de la révolution bolivarienne. Il me semble qu'il s'agit moins d'une constatation que d’un désir frustré pour une droite tenue en échec à cause de ses perpétuelles erreurs.

 

Quand on regarde le chavisme, il faut considérer d’autres expériences de mobilisation du peuple qui ont eu lieu en Amérique latine, en particulier l’expérience argentine et l’évolution du péronisme. Pourquoi? Parce que celle-ci a en commun avec l’expérience vénézuélienne d’avoir eu à sa tête un dirigeant charismatique qui a laissé en arrière-plan les structures organisationnelles comme celles qui entretiennent les révolutions nicaraguayenne et cubaine. Lorsque disparaît le leader qui gère les tensions dans le processus et construit un ordre, les acteurs entament une dispute pour imposer leur point de vue et le faire prévaloir dans l'orientation de la révolution et, pour ce faire, ils recourent différemment aux moyens dont ils disposent, dans certains cas sans aucun scrupule.

 

Les acteurs politiques qui se disputent le pouvoir invoqueront leur loyauté envers le leader et utiliseront ses idées pour légitimer leurs démarches. Ils trouveront un terrain fertile, car ils trouveront dans l’évolution politique et discursive du dirigeant des phrases ou des réflexions qui peuvent présenter des positions opposées sur un sujet. Par exemple, un chaviste peut aujourd’hui soutenir que ce qui est viable c’est une troisième voie et il trouvera des réflexions politiques de Chávez qui lui donneront raison bien que le Commandant ait évolué politiquement vers une position très différente et se soit déclaré socialiste. Celui qui encourage le contrôle ouvrier trouvera un discours de Chávez qui légitimera sa position et un autre contraire dans lequel il fait l’éloge de l’entreprise privée.

 

Depuis longtemps, au sein du chavisme, on procède à une reconfiguration du projet révolutionnaire. Cette nouvelle configuration se fait dans une situation d’agression du pays destinée à contrer avant tout une révolution. En ce sens, nous pouvons constater que cette nouvelle configuration est en train de se faire dans un secteur politique du chavisme qui tient le gouvernail et qui exclut certains agents politiques historiques, mais non majoritaires. C’est dans ce contexte que je situe les propos récents du président Maduro qui demande qu’on le remette en question directement et le rende responsable de l’orientation actuelle afin de répondre aux critiques internes. Je pense que c’est l’une des rares fois où des positions divergentes sont mises de l’avant et que Maduro s’assume en tant que dirigeant qui écoute les remises en question mais garde sa position.

 

Alors, quelles implications cela a-t-il pour l’avenir? Il est probable qu’il s’agisse d’un chavisme qui ne ressemble pas au chavisme d’origine sans qu’on puisse le qualifier de façon binaire de bon ou de mauvais. Un chavisme qui a de multiples expressions qui se disputeront la direction. Un chavisme dans lequel on peut observer des conduites discutables envers les opposants de droite utilisées pour résoudre le conflit. Alors quelqu’un peut remettre en question le caractère monolithique du chavisme et peut avoir en partie raison, car nous pouvons dire qu’il existe des aspects qui sont défendus par tous les acteurs sans aucun doute, comme, par exemple, le caractère anti-impérialiste de la révolution ou la défense de la souveraineté, alors que des divergences existent dans la définition du cadre économique.

 

En tout cas, ce que nous observons, ce sont des tensions qui préexistaient et qui s’expriment dans le contexte des élections. Ensuite, j’estime que ces divergences s’atténueront à nouveau. Mais il n’y a aucun doute sur le fait que face aux agressions des États-Unis d’Amérique et de leurs alliés, là, on a un chavisme monolithique.

 

L’impact du COVID-19 est-il si grave ?

 

Nous achevons une semaine de quarantaine radicale dans un schéma que le gouvernement bolivarien appelle “7 par 7” et qui consiste à autoriser tous les 7 jours, selon les indicateurs concernant chaque zone, la reprise d’un nombre déterminé d’activités économiques différentes des activités essentielles. Pendant cette période, nous pouvons souligner l’arrivée de 230 médecins cubains qui ont remplacé le contingent qui se trouvait dans le pays et l’augmentation, dans la zone de la capitale, de la présence du personnel de sécurité publique destinée à limiter les déplacements des personnes entre les quartiers et les banlieues de la ville. Rappelons que Caracas concentre le plus grand nombre de cas de COVID-19, soit 48 % à ce jour.

 

À la suite, nous présentons comme d’habitude les données pour cette semaine, mais il faut dire avant de poursuivre que l’impact de la pandémie dans le domaine de la santé est léger car, par rapport à la région, au continent et au monde, les indicateurs vénézuéliens apportent la preuve d’une stratégie destinée à contrôler et à contenir le virus sans nier la croissance qui s’est manifestée ces six dernières semaines. Dans le domaine de l’économie, les impacts sont plus importants, car l’économie vénézuélienne subit une importante contraction (pour des raisons extérieures essentiellement) et les mesures sanitaires prévues par le gouvernement bolivarien ont ralenti la reprise économique prévue dans certains secteurs clefs.

 

En revoyant en détail les informations données par le gouvernement bolivarien, on observe ce 22 août que 38 957 personnes ont été testées positives à la COVID-19 et que 73 % (28 453) sont déjà guéries. Concernant les cas actifs, nous pouvons dire que la plupart ne présentent toujours pas de symptômes et sont toujours en observation et que sur le total des personnes contaminées, 82 % l’ont été à l’intérieur de leur communauté. À partir des chiffres officiels on peut déduire qu’en août on a diagnostiqué 51 % du nombre total de cas.

 

Selon le « Rapport statistique COVID-19 » du Centre vénézuélien d’études sur la Chine en date du 21 août, le Venezuela se situe ainsi par rapport au reste du monde :

 

  • Il est monté à la 58e place (il y a deux semaines, il était à la 67e) et enregistre 0,17 % des cas diagnostiqués.

  • En ce qui concerne les cas actifs, il est descendu à la 50e place (il y a deux semaines, il était à la 34e) et affiche 0,16 % du total, ce qui signifie que le nombre de personnes guéries augmente.

  • En ce qui concerne les décès, le Venezuela se situe à la 74e place (la semaine dernière, il était à la 82e) et rapporte 0,04 % des décès imputés au virus.

 

Par rapport à l’Amérique du Sud, le Venezuela se situe toujours à la 8e place avec un taux de mortalité de 0,83 % et un taux de guérison de 71 %. Le taux de mortalité dans la région est de 3,30 % et taux de guérison de 74,31 %. Les cas vénézuéliens représentent 0,68 % du total et les morts représentent 0,17 % du total.

 

Pour résumer, on reste à la même place, mais le taux de guérison augmente faiblement ainsi que celui de la mortalité par rapport à la semaine dernière.

 

Quelques brèves:

 

  • Comment Directv est-elle revenue? Quand, il y a quelques jours, j’ai exploré les programmes de Directv qui est le système auquel je suis abonné depuis longtemps, les chaînes comme Globovisión ou PdvsaTV n’étaient pas disponibles. C’est à cause de celles-ci qu’AT&T, la société mère états-unienne de Directv, a pris la décision de cesser d’émettre. La chaîne russe Russia Today n’était pas disponible non plus. Tout semble indiquer qu’on a pris une décision pragmatique de retirer certaines chaînes pour garantir un accès presque complet à la plateforme. Une tactique qui n’est pas nouvelle, car à de précédentes occasions, le gouvernement bolivarien avait restreint la diffusion de certaines chaînes pour ensuite les réintégrer dans l’offre des opérateurs.

 

  • Dans le domaine de la communication, on livre des batailles quotidiennes contre les fausses informations. L’une d’elles est venue de Colombie et affirmait que le Venezuela allait fermer ses frontières aux migrants qui rentrent. Une information démentie par le chancelier Arreaza qui, en revanche, a dénoncé le fait que c’est le gouvernement de Duque qui impose des restrictions pour le transport des migrants de Bogotá à la frontière. Dans le même ordre d’idée, le gouvernement états-unien affirme que des centaines de Vénézuéliens sont bloquées sur son territoire, mais n’autorise pas la compagnie aérienne d’État Conviasa à les rapatrier alors que cette semaine les gouvernements espagnol et vénézuélien ont fait savoir que presque 300 citoyens vénézuéliens et européens sont rentrés.

 

Si vous souhaitez commenter ce texte, demander qu’on approfondisse un sujet ou poser tout autre question en rapport avec ce texte, vous pouvez écrire à l’auteur : jesusalbertorondon@gmail.com

 

Traduction Françoise Lopez pour Bolivar Infos

Révision Claude Morin

 

URL de cet article: http://bolivarinfos.over-blog.com/2020/08/venezuela-le-chavisme-se-fissure-t-il-ou-est-carlos-lanz-l-impact-du-covid-19-est-il-si-grave.html

 

https://www.alainet.org/en/node/208649
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