Comprendre la politique

12/04/2010
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« Les politiques sont coupés de la population ; ils n'apparaissent qu'à la veille des élections pour faire des promesses et dès qu'ils arrivent au pouvoir, ils trahissent leurs engagements ; de toute façon ils sont tous corrompus. En tout cas moi je ne veux pas entendre parler de politique ! »
 
N'est-ce pas là un éventail des déclarations le plus souvent entendues dans la population concernant la politique? Pas seulement chez des gens non-informés ayant subi tout au long de leur vie la mauvaise foi de politiciens. Non, au quotidien, de tels propos sont relayés par d'éminents journalistes dans les médias, par des professeurs diplômés sensés dispenser l'éducation civique à leurs élèves, par des chefs d'entreprises ruinés ou pas par la crise, par des responsables syndicaux, bref dans toutes les couches de la société. Cela voudrait-il, donc, signifier qu'ils expriment une réalité incontestable ? Une fumée si épaisse pourrait-elle exister sans feu ? N'est-il pas légitime, pour l'opinion publique, de penser que les « politiques », toutes tendances confondues, sont condamnables ?
 
Pourquoi un tel rejet de la politique ?
 
Force est de constater que le spectacle offert par la plupart des hommes et des femmes qui s'agitent sur le devant de la scène politique , tout particulièrement à l'occasion des élections, a de quoi dégoûter ! Changement de casaques, promesses démagogiques, coups bas en tous genres émaillent les pratiques quotidiennes. Combien d'hommes et de femmes, jeunes ou non, honnêtement désireux de militer pour une cause juste se sont engagés dans des partis, de tous bords, à qui ils avaient fait confiance, et se sont trouvés écœurés par les hypocrisies et les inconséquences auxquelles ils ont assisté à l'intérieur ! Alors oui ! Il y a lieu de dénoncer « les politiciens ». Mais une question s'impose aussitôt : Est-ce la bonne solution de ne pas « faire de politique » et même de ne pas vouloir en entendre parler ?
 
Ceux qui croient sincèrement en Dieu, décident-ils de renoncer à leur foi parce que, parmi ceux qui se prétendent croyants, sévissent hypocrites, escrocs et malhonnêtes en tout genre. Remettent-ils en question toutes les églises en apprenant les scandales de pédophilie et autres crimes qui gangrènent des hiérarchies religieuses ? Imagine-t-on que les êtres humains puissent renoncer à former des couples et à avoir une vie amoureuse sous prétextes que la violence, les trahisons, les divorces, les déceptions semblent s'imposer en règles dans les relations entre les hommes et les femmes ? L'idée n'en effleure manifestement pas l'écrasante majorité des individus.
 
 Alors, comment expliquer que l'attitude de rejet concernant la politique paraisse tellement légitime aux yeux de tant de personnes?
 
Le premier constat que devraient faire ceux dont la vie est rendue impossible par le système, c'est que ce sont, précisément, les exploiteurs qui font tout pour les écarter de la politique afin de garantir leur maintien au pouvoir. On admettra aisément que les classes dominantes ne propagent pas dans la population les outils nécessaires à la compréhension des luttes politiques ! N'est-il pas paradoxal que, dans les manuels scolaires d'éducation civique, on vante le caractère émancipateur des institutions « démocratique », appelant les élèves à s'engager en tant que citoyen et que, dans le même temps, les autorités diverses interdisent de prêter des locaux publics pour des réunions politiques ou encore qu'on refuse à des associations le droit de s'intéresser à la chose politique ? Mais, contestera-t-on, il est permis de parler politique sur les places publiques lors des quelques jours de campagne précédant chaque élection ! Le bel alibi ! C'est parce que, justement, dans la cacophonie de ces jours- là, ceux qui ont été privés de l'explication sereine et quotidienne indispensable ne pourront qu'être dégoutés davantage.
 
 Un autre facteur explique la grande méfiance des classes populaires pour la politique. Il s'agit des lourdes et incessantes répressions subies tout au long de l'histoire par ceux qui ont osé s'engager dans la lutte politique contre le pouvoir des gros capitalistes et les partis qui les représentent. Tout particulièrement dans notre pays, agressions, arrestations, procès, licenciements abusifs, et assassinats ont été le lot des militants et ont eu un effet particulièrement décourageant. Parmi les grandes affaires, on peut rappeler l'assassinat d'André Aliker*, l'ordonnance scélérate de 1960*, et le procès de l'OJAM*. Mais ce sont surtout les injustices subies dans le quotidien par les familles des militants de la part des municipalités qui ont eu le plus gros effet dissuasif sur l'ensemble de la population. Par contre, en distribuant des faveurs à ceux qui acceptent de les servir, les partis politiques vitrines du système parviennent à se constituer une base électorale relativement fidèle. Et à la veille de chaque consultation, pendant que ceux qui subissent les dégâts de ce même système « ne font pas de politique », l'armée des électeurs contrôlés par celui-ci se lance à l'assaut des quartiers pour assurer le maintien en place de leurs «bienfaiteurs »!
 
Dan un tel contexte, on comprend comment à pu se développer dans une fraction de la population un comportement qualifié chez nous de « konpè lapen »* (Personnage des contes martiniquais caractérisé par son aptitude à ruser pour défendre ses intérêts). Il n'est pas rare de voir des personnes appeler systématiquement à leur secours des militants écologistes, indépendantistes, syndicalistes pour les aider à résoudre leurs difficultés ou organiser leur défense contre les exactions quotidiennes qu'ils subissent de la part des politiques au pouvoir ; Et puis, quand les choses ont progressé ces mêmes personnes, martelant bien « qu'elles ne font pas de politique » tachent de se démarquer des militants ; Mieux ! On les retrouve à faire campagne, lors des consultations électorales, pour le personnel politique au pouvoir. Ce sont encore les mêmes qui, entre les périodes électorales ressassent que « tous les politiques sont corrompus ! » en attendant de défendre leur poulain aux échéances suivantes. D'ailleurs, beaucoup montrent peu de scrupule à abandonner ce poulain en cas de défaite pour se ranger au côté du gagnant.
 
Mais, si ce phénomène méritait d'être signalé, parce que bien réel, il faut préciser que, contrairement, à ce que certains laissent entendre, il est loin de concerner la majorité de la population et ne saurait justifier de méfiance ou de mépris à l'égard de c elle-ci. Les deux premières explications évoquées restent essentielles. Le but et l'intérêt des classes dominantes sont absolument de dégouter la population de tout engagement politique maîtrisé afin que les exploiteurs et les profiteurs « fassent leurs affaires » à leur guise ; car, elles savent bien que, sans une compréhension scientifique de la chose politique, les classes opprimées ne seront jamais en mesure ni de lutter efficacement ni de transformer le système injuste qui les empêche de vivre décemment.
 
La nécessité de « COMPRENDRE LA POLITIQUE » se révèle donc impérieuse pour tous ceux qui entendent CHANGER LA VIE.
 
Mais qu'est-ce donc que la politique ?
 
Rapportons-nous simplement à ce qu'en dit un dictionnaire (Logos de Bordas) :
 
La politique, c'est ce qui concerne l'existence ou l'organisation des cités, des Etats, l'exercice du pouvoir dans les Etats et les relations entre eux. C'est, dans un Etat donné, ce qui concerne le gouvernement, les affaires publiques, la participation à la vie publique, les relations avec le pouvoir.
 
Peut-on, après avoir lu cette définition, continuer à dire : « la politique ne m'intéresse pas », « il ne faut pas faire de politique » ! Il faudrait donc laisser aux seuls profiteurs du système le privilège de s'occuper de l'organisation de la cité, des affaires publiques, etc.
 
On aura compris, au contraire, que toute notre capacité à améliorer notre vie quotidienne, à agir positivement sur notre avenir, dépend de notre aptitude à comprendre la politique.
 
Comprendre la politique est d'autant plus indispensable que les profiteurs du système disposent d'une armée de spécialistes pour étudier les comportements et les attentes de la population et de bataillons d'experts en communications pour préparer les messages et les stratégies visant à tromper encore et encore. Ainsi chaque fois que la population croit avoir en face d'elle une proposition positive, elle se retrouve, au bout du compte trompée et le dégoût pour l'engagement politique croît au grand bonheur des profiteurs du système. Quelques exemples dans le domaine des élections pour illustrer cet aspect : Conscientes du rejet par la population de leur personnel politique traditionnel, les classes dominantes ont mis en place une stratégie de manipulation leur permettant d'avancer masquées. La politique ayant été décrédibilisée et le débat idéologique totalement effacé, les stratèges du système se posent désormais en promoteurs de la femme et de la jeunesse. Laissant entendre que la politique ne pourra être réhabilitée que par l'élection d'une femme ou d'un jeune, faisant totalement abstraction du positionnement politique de la femme ou du jeune offert comme candidat, leur rouleau médiatique se met en marche pour faire croire qu'on a le devoir de les élire si on veut défendre le droit des femmes et les intérêts de la jeunesse. Mais, si on prend le temps de réfléchir, on constate que derrière les changements de sexe ou de génération, restent les mêmes idéologies réactionnaires. S'il s'agit d'une femme ou d'un jeune porteurs d'une idéologie dénonçant le système capitaliste, l'appareil médiatique ne voit plus ni l'âge, ni le sexe ! Pour s'en convaincre, on peut analyser le comportement différencié des médias envers la communiste, Marie-Georges Buffet, et la social-démocrate, Ségolène Royal. On pourrait évoquer bien d'autres pratiques de chantage visant à détourner le vote des électeurs. Par exemple : « Si vous ne votez pas pour Chirac contre Lepen, vous serez responsable de la mort de la République ! » On sait ce que cela a coûté aux travailleurs. Ou encore cette habituelle démagogie de l'aile gauche de la bourgeoisie : « si vous votez pour l'extrême-gauche, plutôt que pour nous, vous serez responsables de la victoire de la droite ! » Une fois le hold-up électoral réalisé, ils sont les premiers à crier que « l'extrême-gauche n'est pas légitime car elle n'a pas de poids électoral ! »
 
Une autre pratique anti-démocratique, qui se systématise à l'échelle internationale, mérite d'être signalée: c'est celle qui consiste à présenter des candidats, tirés du monde du sport, de la télévision ou du show-biz, pour transformer l'idolâtrie organisée par les médias en soutien politique pour les classes dominantes.
 
Briser les carcans
 
Ainsi, les classes dominantes ont mis en place, un certain nombre de carcans pour neutraliser le libre arbitre de la population. L'un des plus efficaces d'entre eux, c'est le REJET DES IDEOLOGIES qu'elles ont cultivé dans « l'opinion publique. » Un jour ne se passe pas sans qu'un journaliste, un économiste, un « socio- professionnel » n'assène dans les médias que « le temps des idéologies est révolu ! ». Ceci dit, vous n'avez jamais entendu l'un d'entre eux expliquer ce qu'était une idéologie. Alors, réfléchissons de notre côté :
 
Une idéologie, c'est l'ensemble des croyances, des idées qui caractérisent une personne un groupe, une société à un moment donné. Comment, si ce n'est dans l'intention de berner les gens, peut-on affirmer que les idéologies ne sont plus de mode ?
 
Evidemment les idéologies évoluent, se renouvellent, mais jamais elles ne disparaitront ! En tout cas, l'idéologie bourgeoise, celle qui concentre les croyances et les idées des grands capitalistes est vivante et omniprésente. Habillée de coutures modernes, elle reste plus que fidèle à son individualisme, à sa recherche du profit à tous prix, à l'idée de la supériorité naturelle des possédants sur le bas peuple, à la loi de la jungle qu'elle cache derrière la notion de libre entreprise, à ses conceptions captatrices du pouvoir. Bien plus, avec la vague de ce qu'on appelle les « néo conservateurs », les classes dominantes ont entrepris de revigorer les idéaux du capitalisme sauvage du 19° siècle.
 
Alors, c'est vrai, nous vivons une période où les débats idéologiques ouverts sont quasiment inexistants. Si l'on s'en tient à ce que reflètent les médias dominants, Il semble que le système soit parvenu à imposer son idéologie comme la référence indiscutable. Et, en réalité, la mission de ceux qui s'acharnent à répéter que « le temps des idéologies est passé » est d'empêcher à tout prix que les populations opprimées s'intéressent à celle des idéologies qui avait mis la domination des capitalistes et des impérialistes en péril. Mais, en dépit du caractère massif de leur propagande, les conceptions et les idées prônant la justice sociale, la fin de l'exploitation de l'homme par l'homme, l'utilisation planifiée des ressources, bref, le socialisme restent, elles aussi, bien présentes dans les consciences humaines. Plus encore, elles s'imposent progressivement dans la société. Les « tueurs » d'idéologie devraient s'interroger sur les grandes victoires remportées par les peuples d'Amérique latine sur les capitalistes et les impérialistes.
 
Qui veut faire des choix judicieux correspondant à ses intérêts de classe doit absolument réaliser que les idéologies existent bel et bien, qu'elles s'affrontent quotidiennement, même si l'on n'en a pas conscience et que sans compréhension de la politique on restera toujours au bas de l'échelle. La difficulté c'est que, en même temps que les classes dominantes privaient les couches exploitées de l'arme idéologique, elles ont cultivé des modes de pensée et des comportements ayant pour résultat d'orienter les « mécontents » vers des voies sans issues.
 
Dejouer les pieges
 
 Il est particulièrement important de comprendre que nous agissons parfois, nous-mêmes, contre nos propres intérêts du fait que les classes dominantes soient parvenues à développer en nous des modes de pensée et des comportements dictés par leur propre idéologie. C'est, par exemple, l'individualisme qui pousse à croire qu'on peut tout seul tout comprendre, qu'on doit privilégier en toute occasion ses seuls intérêts, ou encore leur conception de la démocratie représentative ;
 
 Aujourd'hui, on se croit dans un pays libre parce qu'on est autorisé à voter, tous les six ans pour une personne sur laquelle on a aucune prise entre temps et qui peut légalement faire tout le contraire de ce sur quoi elle s'était engagée. On a l'illusion de se faire entendre parce qu'on a le « privilège » de pousser des « coups de gueules » à la radio ou de manifester dans les rues. Un retour lucide sur la réalité montre bien, cependant, que ces défoulements ne sont tolérés que dans la seule mesure où ils sont contrôlés et sans conséquences; la censure, la matraque et les lacrymogènes sont constamment à portée de main.
 
 Les maîtres des médias et de la téléphonie se frottent les mains : chacun se croit définitivement citoyen-acteur dans un pays libre et démocratique car il est consulté sur tout et rien. « Les chats peuvent-ils sourire ? » répondez par SMS ! Passez à la caisse et achetez ce magazine qui nous enrichit d'une information capitale : Tant de pour cent de la population pensent que les chats sourient ! Et puis quel bonheur de lire sur internet ou dans le journal, son message quotidien « 7 -3 k j'm ! ».
 
 Les effets d'une telle aliénation pourraient prêter à rire, s'ils n'étaient l'expression d'une offensive pour détourner les citoyens de tout pouvoir réel d'action collective et pour brouiller toute compréhension des institutions. Quand, après le suicide d'un prisonnier accusé de meurtre, une grande chaîne télévisée française, appelle son public à répondre à la question « Son suicide est-il un aveu de culpabilité ? » on réalise que toutes les limites peuvent être dépassées à ce niveau.
 
La « puissance » dont dispose désormais le « citoyen nouveau» le rend, hélas, aussi sûr de lui que manipulé. La mode, c'est que l'on commente tout et rien depuis le clavier de son ordinateur ! On peut désormais voir quelqu'un qui ne sait de l'actualité que les gros titres conditionnés qui lui ont été servis, écraser de ses jugements prétentieux et sans appel des experts, quel que soit leur domaine de compétence, des partis politiques entiers quel que soit leur capital d'expérience ! Et, parait-il, ce serait l'expression de la démocratie achevée. Le citoyen exploité devient ainsi le meilleur propagateur des thèses des « citoyens-exploiteurs ».
 
Cette lamentable réalité que nous avons décrite a des effets catastrophiques sur la conscience humaine ; elle est un obstacle majeur à toute véritable démocratie et à toute possibilité de transformer positivement la société. Voila bien pourquoi, il convient de procéder à une profonde remise en cause de soi et d'abattre les murs de l'aliénation érigés par les classes dominantes.
 
A ce stade, il nous semble nécessaire de démystifier un certain nombre d'idées qui sont mises à la mode afin d'obscurcir la compréhension des contradictions politiques et de masquer l'intense offensive que livrent les classes dominantes pour récupérer tous les centres de pouvoir qui leur échappaient.
 
Le politique et la societe civile
 
 « Maintenant, pour pallier l'échec des politiques, c'est à la société civile de prendre les choses en main ; c'est ainsi que les citoyens feront entendre leur voix ! Ma liste électorale est la seule valable car j'ai mis des membres de la société civile à côté des politiques ! » Difficile de trouver mieux en matière d'escroquerie intellectuelle ! Réfléchissons : c'est quoi un membre de la société civile ? Quelqu'un qui n'est pas élu ? Quelqu'un qui n'a aucune attache politique ? Une fois élu, son identité de « sociétaire » civil disparait-elle ? Ceux qui sont déjà élus, commerçants, enseignants, chefs d'entreprises, ne font-ils pas partie de la « société civile ? Ceux qui entendent assumer la charge des « politiques-qui-ont-failli » sans être désignés par le suffrage populaire ne sont-ils pas en réalité des politiques-sans-légitimé ? Quand on aura répondu sereinement à ces questions, il deviendra évident que la « société civile » est un nouveau gadget des classes dominantes pour pousser la population à remettre son sort entre les mains d'un nouveau personnel (politique sans le dire) qui a pour qualité de défendre le système en place. Et ceci n'a rien à voir avec l'impérieuse nécessité que les représentants politiques travaillent en concertation avec les représentants des socio- professionnels et des associations citoyennes, chacun respectant ses domaines de compétence.
 
Dans le même registre, on peut classer la rhétorique de certains groupes politiques qui se prétendent anticapitalistes : « Les politiques sont tous pourris ! Nous, les travailleurs, devons directement défendre nos intérêts ! » Le plus amusant c'est que ce sont des dirigeants d'organisations politiques, qui se présentent régulièrement aux élections, qui serinent ces propos ! On peut poser le même type de questions que précédemment : les salariés du public et du privé actuellement élus, qui ne font pas partie de leur confession politique ne sont-ils pas des travailleurs ?
 
Sur quelle base s'autoproclament-ils uniques représentants de la classe ouvrière et des travailleurs ? Là aussi, il s'agit d'une escroquerie intellectuelle qui consiste à détourner la population d'un combat politique lucide. Tout comme certains élus qui aident des administrés à améliorer leur situation matérielle pour s'en faire une clientèle électorale, les conduisant par là-même à défendre une politique dont ils ne maîtrisent ni les tenants ni les aboutissants, ces « défenseurs des travailleurs » participent activement à la défense des intérêts corporatistes pour tenter de se constituer un électorat, sinon une base captive. Ce sont, d'ailleurs, souvent les mêmes qui développent l'idée que c'est à « la rue » d'imposer ses volontés ! Lors de la grande grève de 2009, ils se sont déchaînés : « les politiques n'ont rien vu venir ! » « C'est la rue qui a parlé ! ». Même si l'ampleur de la mobilisation populaire a surpris tout le monde, n'importe qui peut aller vérifier que des partis politiques dénonçaient la vie chère et appelaient à la mobilisation. (Un an auparavant, le CNCP avait d'ailleurs organisé des réunions, des conférences-débat, des groupes de réflexion sur la question.) De plus, à la tête de toutes les centrales syndicales majeures qui avaient appelé à la grève, on trouve des responsables d'organisations politiques connues et de nombreux militants politiques ont joué un rôle moteur dans l'organisation de la lutte.
 
Derrière le fameux concept de « la rue » se cache l'intention de certains manipulateurs, non représentatifs, de s'opposer à la compréhension de la chose politique par les masses, de faire en sorte que les travailleurs restent une foule non organisée sur la base de choix politiques conséquents, donc manipulables. Ceux qui connaissent l'histoire du mouvement ouvrier savent que « la rue » peut être révolutionnaire, mais qu'elle peut aussi être le terrain de prédilection des « forts en gueules » ou des provocateurs. Elle peut conduire au pouvoir des Boris Elstine ou des Louchenko. Et puis, entre « la rue jaune » et « la rue rouge » en Thaïlande, laquelle est légitime ? Une chose est sûre, si les mouvements populaires qui s'expriment dans la rue, ne sont pas organisés et ne visent pas des objectifs politiques clairs, assumés par les manifestants, ils finissent soit en queue de poisson, soit écrasés par la répression.
 
Assumer nos responsabilites
 
 Pour exercer ses devoirs de citoyen, chacun doit impérativement disposer d'éléments d'information et de connaissances fiables concernant les sujets sur lesquels il doit se prononcer et les domaines dans lesquels il doit agir. Les « on-dit », qui animent les lieux publics, les comptoirs de bar, les transports en commun ou les conversations de salon ne suffisent en aucun cas à assurer des choix responsables. Le citoyen ne pourra pas juger valablement du bien fondé d'une mesure économique ou d'aucune autre décision gouvernementale, en se contentant simplement d'informations non vérifiées ou de ce que disent les médias.
 
L'enjeu est vraiment trop important. Le monde entier admet que des catastrophes nous attendent avec les conséquences du changement climatique. Tous les économistes sérieux savent que les effets de la crise financière ne cesseront pas de sitôt de se faire sentir. Faillites d'entreprises, licenciements, chômage, pauvreté guettent l'écrasante majorité des populations. Quant aux aides sociales, aux services publics d'éducation et de santé, pour ne citer que ceux-là, il faudrait vraiment être aveugle pour ne pas se rendre compte qu'ils sont systématiquement démantibulés.
 
 Par quelle magie un « citoyen » pourrait-il comprendre ce qu'il ya lieu de faire et s'engager efficacement s'il ne s'est pas préalablement donné les moyens d'analyser les causes profondes des problèmes. Il est important de préciser, ici, que l'essentiel des informations et des explications qui sont servies dans la société dans tous les domaines nécessaires à une compréhension scientifique de la politique (Histoire, économie, relations internationales, etc.) sont triées et manipulées par les agents des classes dominantes. Quelques exemples méritent d'être évoqués : les raisons du déficit de la sécurité sociale, les solutions au financement des retraites, les raisons de la pauvreté des pays du tiers-monde, etc.
 
 Comprendre la politique exige, donc, une démarche volontariste pour rechercher des informations et acquérir des connaissances partant d'un point de vue idéologique résolument partisan : celui qui anime les militants politiques qui luttent contre l'exploitation de l'homme par l'homme et pour l'émancipation des peuples.
 
- Robert SAE, Ancien porte-parole du CNCP (Conseil National des Comités Populaires), Martinique.

  

https://www.alainet.org/en/node/140631
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