Que peut-on espérer de la nouvelle commission présidentielle en Haïti ?

10/10/2019
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P-au-P, 09 oct. 2019 [AlterPresse] --- « Une nouvelle commission présidentielle pour faire passer le temps. Mais, il est déjà trop tard pour dialoguer, voire négocier avec Jovenel Moïse » : telle est la position, exprimée, dans les rues, par plusieurs manifestantes et manifestants, ce mercredi 9 octobre 2019, quant à la formation d’une nouvelle commission présidentielle, devant aboutir à une sortie de crise politique, selon les informations rassemblées par l’agence en ligne AlterPresse.

 

La présidence haïtienne, de plus en plus décriée, a annoncé avoir fait choix de sept personnalités, devant conduire des discussions, afin d’aboutir à une solution dite « concertée » de sortie de crise.

 

Cette commission présidentielle, qualifiée, dans les milieux politiques, de « commission rose », c’est-à-dire de gens favorables au Parti haïtien tèt kale (Phtk), est formée d’Evans Paul (ancien premier ministre de Joseph Michel Martelly, du 16 janvier 2015 au 26 février 2016), de Josué Pierre-Louis (responsable de l’Office de management des ressources humaines / Omrh), Rénald Lubérice (responsable du secrétariat du conseil des ministres), Sainphor Liné Balthazar (un des dirigeants du Phtk), Colombe Emilie Jessie Menos (ancienne titulaire au tourisme), Jude Charles Faustin (conseiller politique de Jovenel Moïse) et Rodolphe Joazile (ancien sénateur et ancien titulaire de la défense sous Michel Martelly), précise un communiqué du secrétariat général du Palais national.

 

La présidence se dit déterminée « à tout mettre en œuvre, afin que la nation reprenne définitivement la voie de la stabilité, du progrès social, économique et politique ».

 

Précédemment, plusieurs autres commissions présidentielles, dont celle dénommée « États généraux sectoriels de la nation », ont été formées, sans pouvoir parvenir à trouver un consensus entre les différents protagonistes de la crise.

 

Cette nouvelle commission présidentielle peut-elle changer la donne ?

 

A quoi doit-on s’attendre ?

 

La nouvelle commission présidentielle face à l’intensification des protestations antigouvernementales

 

Depuis le déclenchement, le dimanche 15 septembre 2019, des mobilisations pour réclamer le départ du président Jovenel Moïse, l’étau se resserre, de plus en plus, autour du pouvoir en place.

 

Les multiples appels au dialogue ont été catégoriquement boudés par l’opposition politique, qui reprend du poil de la bête, avec l’intensification des manifestations antigouvernementales, sur le territoire national.

 

De plus en plus de secteurs, qui ont exprimé ouvertement leur solidarité au mouvement de protestations, recommandent à Jovenel Moïse de faire le geste patriotique : démissionner.

 

La nouvelle commission présidentielle saurait-elle aplanir les difficultés, qu’elle aura à rencontrer sur son chemin ? Réussira-t-elle là où les autres commissions ont lamentablement échoué ?

 

Pourrait-elle arriver à regagner la confiance des protagonistes politiques désabusés, à maintes reprises, par le pouvoir ?

 

Pour sa part, l’opposition politique acceptera-t-elle de mettre son orgueil de côté et de s’asseoir, autour d’une table, pour dialoguer avec le régime en place, soupçonné d’implication dans plusieurs cas de corruption ainsi que dans des massacres, notamment ceux perpétrés à La Saline en novembre 2018 ?

 

Au moins 71 personnes ont péri dans les tueries, commises les 1er et 13 novembre 2018, à La Saline, selon un rapport publié par le Réseau national de défense de droits humains (Rnddh), le jeudi 20 décembre 2018.

 

Au moins 17 morts, dont 15 par balles, tel est le bilan recensé par le Rnddh, durant la période des mobilisations antigouvernementales, allant du 16 au 30 septembre 2019.

 

La communauté internationale face à la crise en Haïti

 

Par ailleurs, le porte-parole de l’Organisation des Nations unies (Onu), le Français Stéphane Dujarric, a appelé tous les protagonistes à éviter la violence et à respecter les droits humains, entre autres, lors d’un point de presse, le jeudi 3 octobre 2019.

 

Sur le terrain politique, le Core Group [1] multiplie les rencontres, depuis le lundi 30 septembre 2019, avec les protagonistes politiques, en vue d’une issue à la crise.

 

Ce support manifeste fera-t-il pencher la balance en faveur du dialogue entre les protagonistes ?

 

Fort de cet appui, le président Jovenel Moïse, après un long moment de silence, est apparu, quelques minutes, le jeudi 3 octobre 2019, à Pétionville, où il en a profité pour saluer des commerçants, à la veille d’une manifestation programmée le vendredi 4 octobre 2019, contre son pouvoir.

 

S’agit-il d’une démonstration de force ou d’une simple provocation ?

 

Des milliers de manifestantes et manifestants ont encore défilé, le vendredi 4 octobre 2019, dans les rues de la capitale, Port-au-Prince, et dans plusieurs villes en province, à l’appel de l’opposition politique, en vue d’exiger le départ sans conditions de Jovenel Moïse.

 

La manifestation a pu parvenir à Clercine (vers le nord-est de Port-au-Prince), dans la zone de « Logistic base » ou « Log base », le quartier général de la Mission des Nations unies d’appui à la justice en Haïti (Minujusth), où un message écrit a été adressé, par des représentants de l’opposition au secrétaire général de l’Onu, le Portugais Antonio Guterres.

 

L’opposition a appelé la communauté internationale, représentée à travers le Core Group, à se désolidariser d’avec Jovenel Moïse, impliqué dans des scandales de corruption.

 

Du lundi 7 octobre à ce mercredi 9 octobre 2019, de nouvelles protestations contre Jovenel Moïse ont lieu à Port-au-Prince, Pétionville, Delmas, Les Cayes (principale ville du département du Sud d’Haïti), aux Gonaïves (à 171 km au nord de Port-au-Prince, Haut Artibonite), à Saint-Marc (Bas Artibonite), à Jérémie (Grande Anse, une partie du Sud-Ouest d’Haïti), à Miragoane (Nippes), à Port de Paix (département du Nord-Ouest), à Petit-Goave (à 68 km au sud de Port-au-Prince), à Jacmel (Sud-Est), à Léogane (à une trentaine de km au sud de la capitale), à Mirebalais (Plateau central, au nord-est de Port-au-Prince), etc.

 

Une nouvelle journée de manifestation est prévue, le vendredi 11 octobre 2019, pour continuer de réclamer le départ de Jovenel Moïse.

 

Une opération baptisée « poser des scellés populaires » sur les institutions publiques comme la Direction générale des impôts (Dgi), la Douane et l’Office d’assurance des véhicules contre tiers (Oavct) a été lancée en vue d’empêcher le gouvernement de percevoir des taxes et des impôts sur les citoyennes et citoyens, selon l’avocat et militant politique Michel André.

 

Que peut-on finalement espérer de cette énième commission présidentielle, au regard de la réalité actuelle qui semble bien montrer combien l’ardeur, la colère et la révolte populaires sont loin de s’éteindre ?

 

[1] Ndlr : Le Core Group comprend les ambassadeurs du Brésil, du Canada, de la France, de l’Espagne, des États-Unis d’Amérique, de l’Union européenne (Ue), le représentant spécial de l’Organisation des États américains (Oea) ainsi que la représentante spéciale du secrétaire général des Nations unies, l’Améericaine Helen Meagher La Lime.

 

9 octobre 2019

https://www.alterpresse.org/spip.php?article24821#.XZ5lEmZ7mRQ

 

https://www.alainet.org/es/node/202598
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